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mercredi 19 septembre 2012

Un vote vraiment démocratique ?

« Carte blanche » parue dans LE SOIR du 17/09/2012 (p. 14)



Dans l’ensemble de l’Union européenne, si on excepte le cas de l’Estonie qui permet, sans obligation, le vote par Internet (ce qui empêche tout contrôle du secret des votes), la Belgique est le seul Etat à s’obstiner dans la voie de l’automatisation des élections (émission et comptabilisation des votes).

En Wallonie, contre le souhait du gouvernement régional d’en revenir partout au vote papier, les responsables politiques des 39 communes soumises précédemment au vote électronique (22 % des électeurs de Wallonie) ont décidé (par inertie ?) de continuer à utiliser cet ancien système. Il a pourtant été condamné depuis longtemps pour son manque de fiabilité et de transparence, à la fois par les chercheurs belges auteurs du rapport «BeVoting» rédigé à la demande des administrations fédérales et régionales[1], par l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe)[2] et par le Conseil de l’Europe[3].

A Bruxelles, ce sont les électeurs de 17 des 19 communes de la Région qui devront, une fois de plus, utiliser ces vieux ordinateurs (la moitié d’entre eux datent de 1994, les autres de 1998).

Un nouveau système « hybride » sera imposé à 75 % des électeurs de Flandre et à ceux de deux communes bruxelloises (Saint-Gilles et Woluwe-Saint-Pierre). L’électeur effectuera son choix au moyen d’une machine à voter dotée d’un écran tactile. Pour avoir accès à cette machine, l’électeur recevra une carte à puce (jeton) servant de clef pour lui permettre d’exprimer son vote. Une fois celui-ci confirmé, la machine imprimera un ticket reprenant le choix de l’électeur, lisible par lui-même et un code à barres en deux dimensions (QR code), illisible pour lui. Le votant devra ensuite scanner le code à barre de son ticket avant d’introduire ce dernier dans une urne. La loi prévoit explicitement que c’est la lecture du code à barres qui sera prise en compte pour établir le résultat de l’élection, et que le ticket servira « uniquement à des fins de contrôle »[4]… Mais cette loi ne prévoit pas les cas où un contrôle s’imposera.

Permettre à l’électeur de constater que son choix est repris (en très petits caractères) sur un ticket ne lui donne que l’illusion de contrôler le processus électoral. Car, comme l’ancien, ce nouveau système automatisé ne prévoit aucune vérification, ni par les assesseurs, ni par les témoins des partis, de la prise en compte de l’ensemble des votes émis pour établir le résultat de l’élection. Avec ce nouveau système automatisé, comme avec l’ancien, les citoyens sont obligés de faire confiance aux techniciens de l’administration et des firmes privées chargées de l’entretien et de la maintenance des machines.

Puisqu’il produit des tickets, ce type de scrutin est théoriquement contrôlable… mais il ne sera pas contrôlé. Car outre le fait que la loi ne prévoit pas les cas où un dépouillement des tickets doit avoir lieu, vu l’opacité du système, on ne voit pas sur base de quel constat des citoyens pourraient contester les résultats d’un vote.

Ceci n’est pas acceptable. Car la Belgique se veut une démocratie de type représentatif : l’essentiel du pouvoir politique y est détenu par des représentants des citoyens et non par chacun d’entre eux. La souveraineté populaire ne s’exerce que les jours d’élections. Celles-ci fondent la légitimité démocratique du pouvoir dont disposeront, durant une mandature, les représentants choisis, directement ou indirectement, par les électeurs. Pour rendre incontestables les résultats d’une élection, il faut que l’ensemble des opérations électorales, de la constitution des listes de candidats à la totalisation des votes soit surveillé par les électeurs eux-mêmes.

C’est le cas avec le système de vote traditionnel (par ailleurs nettement moins coûteux) qui sera utilisé par la grande majorité des électeurs wallons et un quart des électeurs flamands le 14 octobre prochain : chaque étape des opérations électorales sera contrôlée par des citoyens-électeurs, parmi lesquels les présidents et assesseurs des bureaux de vote et de dépouillement ainsi que les témoins des partis politiques qui présentent des listes de candidats.

Les dysfonctionnements des systèmes de vote et de totalisation automatisés sont logiquement systématiquement minimisés puisque qu’ils sont essentiellement contrôlés par les techniciens des firmes qui les vendent. Ceci n’empêche toutefois pas les « collèges d’experts » désignés, depuis 1999 par les différents parlements, malgré les maigres moyens de contrôle dont ils disposent, de constater des dysfonctionnements de ces systèmes lors de chaque élection : pannes, non-respect des procédures légales, résultats aberrants. Toutes choses minimisées aussi par les responsables du Ministère de l’Intérieur qui ne tiennent pas à devoir organiser de nouvelles élections.

Ceci n’empêche pas les responsables politiques flamands d’être fermement décidés à étendre le nouveau système automatisé à la Flandre entière dès 2014. A Bruxelles aussi, la généralisation de ce système est prévue pour 2014, après « une évaluation de la convivialité du système »[5]. Il n’est donc prévu d’évaluer ni sa fiabilité ni sa transparence pour les électeurs.

Vivons-nous encore vraiment en démocratie ?

Joost De Cock, Carl Devos, Patricia Fenerberg, David Glaude, Kommer Kleijn, Hendrik Laevens, Alexandra Mocole, Elisa Rigo, Michel Staszewski, Claire Verhesen, Pierre-Antoine Verwilghen, membres de l’association citoyenne « PourEVA » (Pour une éthique du Vote Automatisé)


[1] Rapport BeVoting: http://www.poureva.be/spip.php?article510
[2] Belgium-Federal elections - 10 June 2007 : OSCE/ODIHR Election Assessment Mission Report : http://www.poureva.be/spip.php?article485
[3] 03/03/2008: Le Conseil de l’Europe se penche sur l’étude universitaire (http://www.poureva.be/spip.php?article529)
[4] Article 17 de l’Ordonnance bruxelloise organisant le vote électronique pour les élections communales. Cette ordonnance s’inspire très largement du décret flamand en la matière.
[5] Parlement de la Région de Bruxelles-capitale. Session ordinaire du 31 mai 2012. Projet d’ordonnance organisant le vote électronique pour les élections communales. Exposé des motifs, page 3.

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