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dimanche 17 juillet 2011

La laïcité philosophique à l’épreuve du libre-examen

A propos de l’« affaire Ramadan de l’ULB »

Article paru dans le Bulletin du Cercle du Libre Examen n° 46 – septembre 2007, pp. 40-41



Je suis athée. Informé des innombrables crimes commis dans le passé au nom de Dieu(x), je me méfie de l’emprise des religions sur les sociétés. Et je tiens absolument au principe de la séparation des institutions religieuses et de l’Etat. Cependant, en tant qu’enseignant travaillant dans une école secondaire d’un quartier populaire de Bruxelles, je dois bien constater que le nombre de mes élèves se déclarant croyants (de divers cultes) augmente d’année en année. Ce « retour du religieux » m’inquiète et m’interpelle.

Je me veux par ailleurs libre-exaministe. Ceci implique pour moi d’accepter et même de rechercher les occasions de débattre avec ceux qui ne pensent pas comme moi. Je ne vois qu’une condition à cette acceptation : que l’« Autre » accepte comme moi le risque inhérent à tout débat vraiment contradictoire : celui d’être amené à changer d’avis à propos des questions débattues. Cela n’est possible que si chacun se met vraiment à l’écoute de l’autre. Mais pour être ouvert à un point de vue différent du sien sur une question qui nous tient à cœur, il faut pouvoir envisager l’Autre comme un partenaire et non comme un adversaire, voire un ennemi.

C’est sans doute cette capacité qui manque à certains « militants laïcs » quand il est question de débattre avec des croyants. L’«affaire Ramadan » me semble exemplaire à cet égard. Voilà un personnage dont je ne partage certes pas la plupart des choix philosophiques mais dont je peux témoigner de la capacité à dialoguer de manière respectueuse. La décision prise par la plus haute autorité de l’ULB d’empêcher la participation de Tariq Ramadan à un débat contradictoire organisé par un cercle estudiantin dans l’enceinte de notre université ne peut malheureusement pas être considérée comme un fait isolé. Elle s’inscrit au contraire dans une évolution qui dépasse largement le cadre de l’ULB. Entre croyants et incroyants la méfiance et la suspicion remplace de plus en plus souvent l’esprit d’ouverture et de dialogue. Ce qui va de pair avec des replis communautaires qui, là aussi, touchent à la fois les croyants et les incroyants. De sorte que des questions de société qui justifieraient le plus des débats entre personnes d’opinions différentes (telles que la gestion des différences dans une société multiculturelle, les relations entre les hommes et les femmes, l’éducation familiale et scolaire, la prévention et la répression des comportements asociaux, les différentes formes d’exclusion sociale, …) sont de plus en plus souvent abordées dans des assemblées réunissant des personnes « du même bord » philosophique, des personnes a priori d’accord entre elles.

Que ceux qui font « profession de foi » de laïcité et ont tendance à croire que leurs pareils sont forcément les meilleurs défenseurs  de la démocratie, n’oublient pas que l’obscurantisme, l’intolérance et le terrorisme ne sont pas le monopole de mouvements ou d’Etats à caractère religieux. Qu’ils se rappellent seulement les crimes des régimes nazi et staliniens ou, plus près de nous, ceux du gouvernement tunisien actuel …  

                                   
                                                                         Michel Staszewski

1 commentaire:

  1. Mon commentaire aurait pu figurer en réponse à votre article du 9 février 2012, ou à votre article paru dans Points Critiques de février 2011, où à chaque fois l'ombre de la laïcité plâne sur les problématiques et les débats qu'elles engendrent. Je suis porté à vous demander, après la lecture danc cet article de votre défense de la laïcité par le débat contradictoire, si la laïcité n'est pas condamnée, de par sa définition-même, à n'être qu'un débat permanent de société ?

    Dans son article "La laîcité est-elle une valeur morale ?", Pierre Kahn décrit la laïcité comme un "universel vide qui peut épouser les valeurs les plus diverses en les formulant en son nom [1]". Il aurait été aussi judicieux de faire remarquer que l'universel laïc n'engage nullement les laïcs à épouser une éthique quelconque pour peu qu'ils obéissent à la Loi laïque. Autrement dit, l'être laïc n'est pas un être bon mais juste [1].

    La distinction est de taille, parce qu'elle montre que la laïcité vise surtout à produire des êtres responsables de leurs droits et devoirs devant la Loi sans se sentir obligée de produire des êtres portés vers le désir de les respecter. Or, il est légitime de se demander comment espérer d'une société qu'elle respecte les règles communes du vivre-ensemble si les citoyens qui la composent ne s'y sentent pas poussés ? Et c'est précisément ce que produit une société laïque : un citoyen obéissant aux Lois mais pas forcément soucieux d'y obéir de lui-même.

    En occultant la question éthique, au motif de n'en privilégier aucune, la laïcité ne manque-t-elle pas à son projet de société en le vidant de sa force dynamique interne : les motivations, qu'elles livrent d'ailleurs, par ce fait, entièrement aux forces du marché ? Ne pouvant atteindre les motivations des citoyens, la lacïté, en n'attendant de ceux-ci qu'une stricte obéissance à la Loi, ne se condamne-t-elle pas à n'être qu'une passion de juristes délibérant sur les limites du Droit, des droits ?

    Steve Van Laer

    [1] La laïcité est-elle une valeur, Pierre Kahn, disponible sur http://www.laicite-educateurs.org/IMG/pdf/Kahn_valeurs.pdf

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