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dimanche 17 juillet 2011

Cet « Appel à la raison » est irréaliste et immoral

Article paru dans Points Critiques (mensuel de L’Union des Progressistes Juifs de Belgique) N° 307, juin 2010, p. 9.


L’état d’Israël n’a jamais été aussi impopulaire. Ce n’est pas étonnant après sa sauvage agression contre le Liban en 2006, le massacre de Gaza en 2008-2009 qui reste une prison à ciel ouvert soumise à un blocus cruel et alors que la colonisation de Jérusalem-est, de la Cisjordanie et du plateau du Golan se poursuit sans désemparer. Il fallait bien que, finalement, la « gauche » sioniste se réveille pour « œuvrer à la survie d’Israël en tant qu’état juif et démocratique ».

Pour cette « gauche » sioniste, Israël demeurera un état « juif et démocratique » si les juifs restent majoritaires dans cet état. C’est essentiellement pour cette raison que l’Appel s’oppose à « la colonisation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem-est » qu’il qualifie d’« erreur politique ». Curieuse conception de la démocratie que celle qui accepte le principe de la dictature de la majorité sur les minorités. Car c’est bien de cela qu’il s’agit en Israël : aucune loi fondamentale n’y garantit les droits des individus et de nombreuses lois sont éminemment discriminatoires à commencer par la fameuse « loi du retour » qui permet à toute personne considérée comme juive par les autorités israéliennes de devenir citoyen de l’« état des Juifs » alors que cela est interdit aux Palestiniens exilés.

L’Appel qualifie tout de même aussi cette colonisation de « faute morale ». Fort bien. Mais pourquoi passe-t-il sous silence l’immoralité du processus qui a permis aux juifs de devenir majoritaires sur le territoire israélien d’avant 1967 ? Le nettoyage ethnique serait-il moral en deçà de la « ligne verte »[1] ? Si les auteurs de l’Appel désirent sincèrement la paix avec le peuple palestinien, la moindre des choses ne serait-elle pas d’appeler à la reconnaissance des torts immenses que la réalisation du projet sioniste lui a fait subir bien avant 1967 ? Et d’œuvrer à les réparer ? Il est irréaliste de penser que les Palestiniens pourraient se satisfaire d’une paix sans cette reconnaissance et ces réparations.

Le but déclaré des initiateurs de l’Appel n’est pas l’évacuation de tous les territoires occupés depuis 1967 : pour Jérusalem, dont-ils ne définissent pas les limites, ils ne condamnent que la poursuite des implantations et ceci uniquement dans les quartiers arabes de Jérusalem-est. Alors que de nombreux quartiers y sont désormais peuplés de juifs. C’est sans doute pour cette raison qu’ils demandent à l’Union européenne et aux états-Unis de faire pression « sur les deux parties ». Car depuis 1988 le Conseil national palestinien accepte le principe du partage de la Palestine selon les frontières internationalement reconnues (soit 78 % pour Israël et 22 % pour l’état palestinien). Mais quelles pressions ces initiateurs sont-ils prêts à accepter sur Israël, eux dont la plupart se sont jusqu’ici toujours opposés à la moindre sanction contre cet état malgré son non respect systématique des résolutions de l’ONU et ses violations innombrables du droit international ? Ils n’en disent rien … tout en affirmant que « la décision ultime appartient au peuple souverain d’Israël ».

Il est irréaliste d’espérer qu’une majorité d’Israéliens décide, sans pressions extérieures dignes de ce nom, de se choisir des dirigeants susceptibles d’accepter la création d’un « état palestinien souverain et viable », eux qui, mus par une terrible peur de l’Autre soigneusement entretenue, n’ont cessé depuis des dizaines d’années d’opter pour des dirigeants de plus en plus intransigeants.

Et, d’un point de vue moral, comment des démocrates peuvent-ils accepter que le sort des territoires occupés et des personnes vivant sous occupation soit déterminé par les citoyens de la puissance occupante ? Et que celui des exilés (près des deux tiers des Palestiniens) soit complètement ignoré ?   

                                                                      Michel Staszewski  


[1] Seule frontière orientale de l’état d’Israël reconnue par l’ONU depuis 1949.

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