Pourquoi nous ne signons pas l’« Appel à la raison »
lancé par le collectif « J Call »
lancé par le collectif « J Call »
Texte paru dans « Le Soir » et « La Libre Belgique », le 4 mai 2010
Un groupe de personnalités juives européennes et israéliennes viennent de créer le collectif J Call (European Jewish Call for reason) et de lancer ce qu’elles nomment un « appel à la raison ».
En tant que juifs européens engagés dans le combat pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, nous ne pouvons adhérer à cet appel. Voici pourquoi.
Nous savons le prix que les Palestiniens ont payé depuis plus d’un siècle et qu’ils payent encore pour que les juifs soient majoritaires en Palestine-Israël : massacres, expropriations forcées, expulsions, interdictions de retourner chez soi et des regroupements familiaux, destructions de maisons et d’autres biens. Aujourd’hui, six millions de Palestiniens soit près des deux tiers d’entre eux sont des exilés.
J Call veut « la survie d’Israël en tant qu’état juif et démocratique ». Il ne se préoccupe pas de rendre justice aux victimes du nettoyage ethnique de la Palestine. Il ne s’intéresse qu’à la préservation d’une majorité juive dans l’Etat d’Israël pour pouvoir maintenir « démocratiquement » un régime qui fait des Palestiniens israéliens (20 % des citoyens de cet Etat) des citoyens discriminés et qui empêche tout retour des exilés qui le souhaiteraient. Cette conception de la démocratie n’est pas la nôtre.
J Call prône une paix avec le peuple palestinien selon le principe « deux peuples deux états ». L’établissement d’une paix juste impliquera sans doute la création de deux états en Palestine-Israël mais, dans un territoire où les populations palestinienne et juive restent, malgré l’épuration ethnique, inextricablement mêlées, la formule « deux peuples deux états » est lourde de menaces de nouveaux transferts de population. De plus, tout en dénonçant « la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem-est », J Call ne définit pas les limites des territoires de ces deux états.
J Call demande que « l’Union européenne comme les états-Unis fasse pression sur les deux parties ». Or, depuis 1988, le Conseil National Palestinien accepte le principe du partage de la Palestine selon les frontières internationalement reconnues (soit 78 % pour l’état d’Israël et 22% pour l’état palestinien). Ce collectif estime-t-il qu’il faut « faire pression » sur les représentants palestiniens pour qu’ils acceptent un territoire encore plus petit ?
Et pour ce qui concerne les pressions à exercer sur la partie israélienne, on peut légitimement se demander de quoi il s’agit quand on sait que la majorité des initiateurs de l’appel se sont jusqu’ici toujours opposés à la moindre pression extérieure contre l’état d’Israël malgré son non respect systématique des résolutions de l’O.N.U. et ses violations innombrables du droit international. Le fait que l’appel affirme juste après que « la décision ultime appartient au peuple souverain d’Israël » permet d’imaginer l’insignifiance des « pressions » sur Israël que J Call est prêt à soutenir. Cette phrase est, par ailleurs, particulièrement choquante puisqu’elle implique que le sort des territoires occupés et des personnes vivant sous occupation doit être déterminé par les citoyens de la puissance occupante.
Nous pensons quant à nous, que l’Union européenne ne pourra contribuer efficacement à faire cesser la politique de plus en plus raciste et criminelle menée par l’Etat d’Israël à l’égard des Palestiniens qu’en sanctionnant cet état sur le plan économique. Car si l’Union européenne reste un « nain » politique, elle constitue, et de loin, le plus important partenaire économique d’Israël. L’inaction et la complaisance de l’Union européenne face aux innombrables infractions graves au droit international commises depuis si longtemps par l’Etat d’Israël font honte aux citoyens européens que nous sommes.
Signataires (12/05/2010)
Marc Abramowicz, psychothérapeute
Jacques Aghion, professeur émérite de biochimie à l’Université de Liège
Ofra Ben Artzi, Machsom Watch, Jerusalem
Malou Dowiakowski-Luminet, psychanalyste, sympathisant européen
Marianne Gassel, psychologue
Pierre Gillis, professeur (Université de Mons)
Georges Gumpel, retraité, partie civile au procès Barbie, membre de l’UJFP-Lyon
Léon Ingber, professeur émérite à l'Université Libre de Bruxelles
Henriette Jungst, directrice de maison de jeunes
Nicole Kahn, retraitée membre UJFP-France
Sabine Kahn, professeur en sciences de l’éducation (Université Libre de Bruxelles)
Catherine Kestelyn, syndicaliste (Bruxelles)
Daniel Lévyne, enseignant retraité, membre de l'UJFP et de l'IJAN
Adeline Liebman, psychothérapeute
Dr Luminet, professeur honoraire, psychanalyste, sympathisant européen
Cathy Mayer, enseignante
Nicole Mayer, sociologue
Jean-Claude Meyer, membre du bureau national de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix)
Monique Nagielkopf, traductrice, (Antwerpen - Belgique)
Hamel Puissant, animateur-formateur
Jacob Rajchman, céramiste dentaire et photographe, membre de l’UPJB
Elisa Rigo, enseignante
Deborah Rouach, comédienne
Pierre Stambul, professeur (Marseille)
Mathieu Staszewski, coordinateur de stages
Irène Steinert, sociopsychologue, membre de l'UJFP et FEN
Laurence Taca, économiste, GPOS.
Dominique Ventre, directeur de la formation de Télécom ParisTech., membre de l’UJFP-Paris
Laurent Vogel, directeur du département santé et sécurité de l'Institut Syndical Européen, enseignant à l'ULB
Ludmilla Vondracek
Françoise Weil, retraitée, UJFP
Anne Weisshaupt
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