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samedi 17 mars 2012

Israël-Palestine : Une paix juste passe par le rejet de tous les racismes

( texte non publié )

Ce texte relativement long peut être téléchargé ici : Une paix juste passe par le rejet de tous les racismes

Dans un conflit opposant deux communautés nationales, comme c’est le cas entre les Juifs israéliens et les Palestiniens, les préjugés de type raciste sont forcément présents. De part et d’autre. Il faut être de mauvaise foi pour prétendre qu’une des parties en présence en serait totalement indemne. Car dans un climat de violence omniprésente où les passions sont forcément exacerbées, la tentation est forte d’angéliser « les nôtres » et de diaboliser « les autres ». Et ne sont pas seulement en cause les protagonistes directs que sont les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens mais aussi ceux qui s’engagent sur cette question, quel que soit leur « camp ».

La recherche d’une paix juste, la seule qui puisse durer, passe pourtant par la mise hors-la-loi du racisme. C’est pourquoi les partisans d’une telle paix doivent lutter résolument contre cette « maladie honteuse », non seulement chez les autres, mais aussi, et c’est sans doute plus difficile, contre le risque d’en être eux-mêmes « contaminés ». Le présent article se veut une contribution à cette lutte, sous la forme de réflexions qui devraient inciter le lecteur (dont j’imagine qu’il se sent concerné par le conflit en question et souhaite une paix juste) à la vigilance sur ce point.

Racismes


Nous considérons ici le racisme dans le sens large où il est généralement utilisé à notre époque : il recouvre tout préjugé négatif ou toute action discriminatoire visant l’ensemble des membres d’un groupe humain ethnique ou religieux dont on considère que les opinions et les comportements sont semblables car déterminés par leur appartenance à ce groupe.

Dans le conflit qui nous occupe les groupes victimes de préjugés et/ou de discriminations sont les Palestiniens, les Arabes (arabophobie), les musulmans (islamophobie) et les juifs, considérés soit en tant qu’adeptes de la religion juive (judéophobie), soit en tant que membres d’une ethnie, voire d’une « race » au sens biologique du mot (antisémitisme).

Le sionisme est-il raciste ?


Qu’est-ce que le sionisme ? Pour le « Petit Robert » il s’agit d’un « mouvement politique visant à l’établissement puis à la consolidation d’un état juif (la nouvelle Sion) en Palestine » [1]. Denis Charbit a, pour sa part, réuni dans un volumineux ouvrage de nombreux écrits et discours émanant de penseurs et de dirigeants sionistes[2]. S’y manifeste à la fois la diversité de la pensée sioniste mais aussi ce qui fait son unité : «  Le programme commun admis par tous les courants dits sionistes découle en premier lieu d’une affirmation de principe essentielle : les Juifs constituent une nation. » Sur cette base, le sionisme « se résume, toutes tendances confondues, par :
1)     L’aspiration au rassemblement national des Juifs sur un même territoire.
2)     La revendication d’« Eretz Israël »[3] comme le lieu unique, nécessaire et désirable, de ce rassemblement (…).
3)     La revendication d’un régime d’autonomie la plus large possible afin de permettre aux Juifs de déterminer leur destin collectif.
4)     Enfin, l’adoption de l’hébreu comme langue de communication quotidienne entre les Juifs installés en Palestine »[4].

Notons cependant que de nombreux partisans déclarés du sionisme le présentent comme le « mouvement de libération nationale du peuple juif ». Sur base d’une telle définition, tout opposant au sionisme peut être taxé d’antisémitisme puisque opposé à la « libération des juifs ».

J’adopte, quant à moi, la définition générale de Denis Charbit, citée ci-avant.

Deux points de cette définition appellent néanmoins un commentaire :

·       L’ensemble des sionistes considère que tous les juifs du monde font partie d’un seul et même peuple. Comme l’a remarquablement démontré l’historien israélien Shlomo Sand dans son livre Comment le peuple juif fut inventé[5], cette vision relève du mythe car l’ensemble des juifs du monde ne constitue ni  un « ensemble d’êtres humains vivant en société, habitant un territoire défini et ayant en commun un certain nombre de coutumes, d’institutions » (définition de « peuple » dans Le Nouveau Petit Robert 2010, p. 1879), ni un « groupe humain (…) qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun » (définition de « nation » dans Le Nouveau Petit Robert 2010, p. 1672). Par contre, au sens de cette définition, les Juifs de l’état d’Israël constituent aujourd’hui indéniablement une nation. C’est un fait objectif, une réalité que tout partisan d’une paix juste doit prendre en compte[6].

·       « La revendication d’un régime d’autonomie la plus large possible afin de permettre aux Juifs de déterminer leur destin collectif » n’implique pas forcément la revendication d’un état  indépendant destiné aux seuls juifs. Avant la Deuxième Guerre mondiale, certains courants sionistes pas du tout marginaux à cette époque, furent partisans de la création en Palestine d’un état binational. Ce fut par exemple le cas du mouvement Brit Shalom (L’Alliance pour la Paix), qui se battait avec acharnement pour « parvenir  à un accord entre Juifs et Arabes sur la forme de leurs relations sociales en Palestine, sur base de l’égalité absolue des deux peuples culturellement autonomes »[7], autrement dit pour la constitution d’un état binational. Mais dès le début des années 1940, Brit Shalom avait définitivement perdu son combat. Il n’existe actuellement aucun mouvement ou parti se réclamant du sionisme et défendant l’égalité complète des droits des deux peuples vivant en Israël-Palestine.

Le sionisme est-il donc une doctrine raciste ? On peut déduire de ce qui précède que la réponse à cette question n’est pas évidente vu l’existence au sein du mouvement sioniste, dans le passé en tout cas, de courants divergents quant à la politique à mener vis-à-vis des populations non juives établies en Palestine. Par contre, le caractère raciste des actions menées par la direction politique sioniste en Palestine depuis les années 1930 ne fait aucun doute, comme nous allons le démontrer.

Aujourd’hui, tous les partis et associations sionistes, qu’ils soient israéliens ou non, considèrent que ceux qui remettent en question le « caractère juif » de l’état d’Israël veulent sa « destruction ». Mais qu’entendent-ils par là ?

La défense du « caractère juif » de l’état d’Israël … et ses conséquences pour les Palestiniens


En 1896, Theodor Herzl, journaliste juif hongrois, publie un livre qui est aujourd’hui considéré comme LE livre fondateur du sionisme en tant que doctrine et mouvement politique[8].  Son titre, L’état des Juifs, résume bien son programme : créer un état destiné à accueillir les juifs du monde entier. Dès 1905, un congrès de l’Organisation sioniste (fondée à l’initiative d’Herzl en 1897) décide que c’est en Palestine, alors sous domination ottomane, que l’état des Juifs devra être établi. Dans les faits et contre la volonté d’une minorité de sionistes qui cherchaient l’entente avec les habitants arabes de la Palestine, l’action politique du mouvement sioniste visera, dès le début de son action, à encourager au maximum l’immigration juive et à favoriser le départ d’un maximum d’habitants arabes de ce territoire.

Comment cela s’est-il fait concrètement ?

Dans une première phase, alors que le nombre de colons sionistes était faible et que le mouvement ne disposait d’aucun moyen pour chasser la population arabe de son territoire par la force, c’est par l’achat de terres que commença l’expulsion des paysans palestiniens (à cette époque, la grande majorité des Palestiniens vivaient de l’agriculture) : le mouvement sioniste récoltait des fonds pour acheter un maximum de terres à de grands propriétaires fonciers[9]. La plupart des contrats de vente stipulaient que la terre devait être livrée « vide d’habitants ». De nombreux ouvriers agricoles perdirent ainsi leur gagne-pain.

En novembre 1947, l’instrumentalisation politique du  judéocide[10] par le mouvement sioniste et l’appui qui en résulta de la part des états-Unis, de l’U.R.S.S. et de la grande majorité des états européens (à une époque où la plupart des états africains et de nombreux états asiatiques n’avaient pas encore obtenu leur indépendance et donc de siège à l’O.N.U.) permit au mouvement sioniste d’obtenir un partage de la Palestine très avantageux pour les colons sionistes puisqu’alors qu’ils représentaient moins d’un tiers de la population, ils se virent attribuer 55 % du territoire pour y créer l’« état des Juifs ». Cette réussite posait pourtant un problème redoutable aux dirigeants sionistes : la population de « leur » partie de la Palestine était composée de 498.000 Juifs … et de 407.000 Arabes[11]. Comment en garantir le « caractère juif » dans de telles conditions ?

Pour les représentants des Palestiniens, ce plan de partage était inadmissible : quel peuple pourrait accepter que plus de la moitié du territoire où il vit devienne l’état d’une autre population venue d’ailleurs ? C’est ce refus qui offrit à la direction sioniste l’occasion de résoudre rapidement son « problème démographique ». Les sionistes, qui disposaient désormais de forces armées bien entraînées et de mieux en mieux armées, profitèrent de l’attitude attentiste de l’autorité mandataire britannique, qui préparait déjà son départ, pour entreprendre l’expulsion des Palestiniens vivant sur le territoire attribué par l’O.N.U. à l’« état juif ». C’est ainsi que le 15 mai 1948, jour où des contingents armés venus de Transjordanie, de Syrie, d’Egypte, d’Irak et du Liban pénétrèrent en Palestine, près de 400.000 Palestiniens avaient déjà fui devant l’offensive israélienne ou avaient été expulsés de chez eux.

A l’issue de ce premier conflit israélo-arabe, début 1949, grâce à de décisifs soutiens extérieurs, l’« état des Juifs » recouvrait désormais 78 % du territoire palestinien au lieu des 55 %  octroyés par l’Assemblé générale de l’O.N.U. Et la population palestinienne était devenue très minoritaire sur ce territoire du fait de son expulsion ou de sa fuite provoquée et de l’opposition résolue du gouvernement israélien au retour des 800.000 exilés, en contravention avec la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’O.N.U., pourtant votée par les représentants israéliens (le droit au retour des « personnes déplacées » était la condition pour l’admission de l’état d’Israël en tant qu’état membre de l’O.N.U.).[12]

Les 160.000 Palestiniens demeurés ou revenus clandestinement sur le territoire de l’« état juif » à la fin du conflit furent ensuite traités globalement en ennemis et soumis à une administration militaire durant 18 ans.  

Dès le 30 juin 1948 est votée une loi « sur le bien des absents » (elle sera révisée en 1950). Elle crée la catégorie des « présents-absents », ces Palestiniens que leur absence temporaire entre le 14 mai 1948 et l’entrée en vigueur de la loi a transformés, une fois revenus, en propriétaires fantômes. Entre 1948 et 1966, le nouvel arsenal juridique israélien permettra l’appropriation par l’état au profit des habitants juifs d’1,6 millions d’hectares de terres appartenant à des Palestiniens.[13] De plus, d’après un bilan établi par un expert israélien en 1952, dès cette date, l’état israélien s’était emparé de 73.000 pièces d’habitation et de 8.700 magasins, ateliers et entrepôts abandonnés par leurs propriétaires.[14] Cette politique entraînera une prolétarisation massive de paysans palestiniens privés de leurs terres et la création, par des Palestiniens empêchés de revenir chez eux, d’environ 150 nouveaux villages, construits à quelques centaines de mètres des localités d’origine désormais peuplées d’immigrants juifs. Ces localités étant considérées comme « non reconnues » par les autorités israéliennes, elles ne bénéficient, encore aujourd’hui, d’aucun service public. D’où l’absence de connexion aux réseaux d’électricité, d’eau, de téléphone, d’égouts. S’ajoute à cela l’interdiction de toute construction de voirie, de bâtiments, l’ouverture d’écoles, de cliniques ou même de crèches publiques.[15]  

En 1950, le parlement israélien vota la « loi du retour » qui octroyait d’office la citoyenneté israélienne à tout immigrant reconnu comme juif. C’est ainsi que les exilés palestiniens furent rapidement remplacés par des juifs venus d’Europe mais aussi et surtout du monde arabe au sein duquel les opinions publiques prenaient de plus en plus fait et cause pour leurs « frères » de Palestine. Cette migration massive des juifs des états arabes vers le jeune état d’Israël fut encouragée par tous les moyens par le mouvement sioniste, soucieux de gagner la « bataille démographique » (voir plus loin).

Si la « loi du retour » faisait et fait toujours aujourd’hui de tout juif, d’où qu’il provienne dans le monde, un citoyen potentiel de l’état d’Israël, en revanche les lois sur la nationalité israélienne adoptées en 1952 et 1959 stipulent qu’un Palestinien ne peut acquérir la citoyenneté israélienne que par la naissance, la résidence ininterrompue ou la naturalisation, qui implique un engagement officiel de loyauté à l’égard de l’état. De plus, le parlement israélien a récemment approuvé une nouvelle loi qui oblige les candidats non juifs à la citoyenneté israélienne, et seulement ceux-là, à prêter un serment d’allégeance à « l’Etat d’Israël en tant qu’état juif et démocratique ». Et le parti d’extrême droite « Israël Beteinou » (« Israël notre maison ») dont le chef de file Avigdor Lieberman est actuellement Ministre israélien des Affaires étrangères, cherche à faire voter une « loi de la citoyenneté » qui permettrait à un tribunal de retirer la nationalité israélienne à tout Israélien accusé d’avoir « trahi le pays » ou d’avoir « commis un acte terroriste ».

La fin de l’administration militaire ne signifia absolument pas la fin des discriminations pour les Palestiniens d’Israël, même devenus citoyens de cet état. Depuis lors, et aujourd’hui encore, celles-ci sont nombreuses. Exemples[16] :

- l’accès au marché du travail est beaucoup plus difficile pour un citoyen arabe que pour un Juif ;

- les discriminations sont patentes dans le domaine de l’accès aux services et aux droits sociaux : infrastructure scolaire, sanitaire et médicale, équipements des quartiers, droit aux allocations de chômage, accès aux études supérieures ;

- il est beaucoup plus difficile pour un Palestinien que pour un Juif d’obtenir un permis de bâtir ;

- la loi israélienne interdit, avec des exceptions des plus réduites, l’unification des familles, quand un des conjoints est palestinien et réside dans les territoires occupés.

- les Palestiniens ne bénéficient pas de l’aide des organisations sionistes qui sont devenues, depuis 1952, bien que financées par la « diaspora » (les juifs ne vivant pas en Israël), des institutions quasi gouvernementales et sont investies de multiples tâches d’équipement, d’assistance sociale ou d’animation culturelle ;

-  n’étant pas soumis aux obligations militaires (à l’exception de la minorité druze depuis 1956 et d’un petit nombre d’Arabes chrétiens et de bédouins), ils ne peuvent prétendre aux avantages sociaux attachés au statut d’ancien conscrit (allocations familiales, aide au logement) ;

- etc …


Malgré toutes les discriminations dont ils sont victimes, les Palestiniens titulaires de la citoyenneté israélienne ont tout de même une série de droits définis par les lois israéliennes. Ceci n’est pas du tout le cas dans les territoires occupés par l’armée israélienne depuis juin 1967 où les Palestiniens (et les Syriens du plateau du Golan) vivent sous le contrôle étroit et permanent de l’armée israélienne. La création de « territoires autonomes » à partir de 1994 n’a rien changé de fondamental à cela. Au contraire, le morcellement de la Cisjordanie (et de la Bande de Gaza jusqu’en 2005) a été aggravé depuis la mise en œuvre des Accords d’Oslo avec la création, en 1995, des zones « A », « B » et « C »[17] et la multiplication consécutive des « checkpoints » (points de contrôle) fixes et mobiles. Alors que les colons juifs bénéficient de tous les droits des citoyens juifs de l’état d’Israël, d’infrastructures modernes, de « routes séparées » qui leur permettent d’éviter les villages palestiniens et les checkpoints, ainsi que de la protection bienveillante de l’armée, l’occupation signifie pour les Palestiniens de ces territoires, toujours plus de confiscations de terres (particulièrement avec la construction de la « barrière de sécurité » toute entière située en Cisjordanie), de pillages des ressources en eau, de destructions de bâtiments, d’arrachages d’arbres, d’obstacles mis au déplacement des personnes et des biens, d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires, de mauvais traitements infligés aux prisonniers, d’assassinats « ciblés » et de « dégâts collatéraux ».

Bien que le sort des Arabes palestiniens et syriens vivant sur les territoires sous contrôle israélien (Israël proprement dit, Jérusalem-Est, la Cisjordanie, la bande de Gaza et le plateau syrien du Golan) soit très différent selon que ceux-ci bénéficient ou non de la citoyenneté israélienne, ils sont tous victimes des conséquences de l’obsession sioniste de la séparation, selon laquelle, pour vivre en sécurité, les juifs doivent vivre entre eux, séparés des non juifs. En Israël même, les localités « mixtes » sont rares et sont elles-mêmes divisées en quartiers juifs et arabes culturellement homogènes. 

La peur de la « destruction » de l’état d’Israël


La méfiance vis-à-vis des non juifs est au fondement de l’idéologie sioniste. Un très grand nombre d’Israéliens sont convaincus que, s’ils en avaient les moyens, « les Arabes jetteraient tous les Juifs à la mer ». En réalité, aucun parti politique palestinien n’a jamais prôné un tel projet[18].

Ainsi, par exemple, dans son programme politique de 1969, le Fatah, alors dirigé par Yasser Arafat, prônait la fin de l’état d’Israël et son remplacement par un état palestinien « indépendant et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur confession, jouiront de droit égaux ».[19] Ceci signifiait une acceptation des juifs établis en Palestine en tant que communauté religieuse mais non en tant que nation. A la même époque, le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine, parti marxiste dirigé par Nayef Hawatmeh, proposait quant à lui « un état palestinien de démocratie populaire où vivront sans discrimination Juifs et Arabes, un état opposé à toute domination de classe et de nationalisme et dans lequel le droit des Arabes et des Juifs à perpétuer et développer leur propre culture sera respecté ».[20] Dans ce cas, même si, contrairement aux partis communistes, le FDLP ne prônait pas alors l’édification d’un état binational (c’est le cas maintenant), il reconnaissait tout de même une identité nationale et plus seulement religieuse aux juifs de Palestine.

En 1988, le Conseil National Palestinien[21] a accepté l’existence de l’état d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967. Il n’a pas changé de position depuis. Par contre le Hamas affirme encore aujourd’hui sa volonté de remplacer, à terme, l’état d’Israël par un état palestinien islamique. Ce qui n’équivaut pas non plus à « jeter les Juifs à la mer » mais plus probablement à en faire des citoyens « de seconde classe ». Il faut cependant noter que, depuis les élections qu’ils ont remportées en 2006, les dirigeants du Hamas se sont à maintes reprises déclarés prêts à accepter une « trêve à long terme » en échange du retrait d’Israël de l’ensemble des territoires occupés par Israël depuis 1967.

Le plan de paix de la Ligue des états arabes, adopté à l’unanimité en 2002, va plus loin puisqu’il propose en échange du retrait d’Israël de ces territoires et d’une solution négociée de la question des réfugiés sur base des résolutions pertinentes de l’O.N.U., la normalisation complète des relations des pays arabes avec l’état d’Israël.

Tout ceci n’empêche pas la très grande majorité des sionistes d’être sincèrement persuadés que, dans le fond, ce que tous les Palestiniens et ceux qui les soutiennent veulent c’est que les juifs quittent le Proche-Orient.

D’où provient cet aveuglement ?

Les sionistes sont terrorisés à l’idée que l’état d’Israël renonce à être l’«état des Juifs » pour devenir l’état de tous ses citoyens traités sur pied d’égalité quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse, parce qu’ils savent que cela signifierait probablement à terme que les juifs deviendraient minoritaires dans cet état. En effet, comme nous l’avons vu, pour parvenir à ce que l’état d’Israël soit peuplé d’une nette majorité juive et à garantir cette situation dans la durée, l’« état juif » s’est doté de lois discriminatoires favorisant les juifs aux dépens des non juifs. Il fait peu de doute que si ces lois racistes et contraires au droit international étaient abrogées (comme la « loi du retour », celles qui empêchent le retour des exilés, celles qui limitent considérablement la possibilité d’achat de terres pour les non juifs, celles qui empêchent la réunion des familles palestiniennes en Israël, etc.), le maintien d’une majorité démographique juive ne serait plus garanti. Ceci terrorise la plupart des Israéliens car ils pensent que les Palestiniens prendraient leur revanche en faisant subir à la minorité juive ce que les Juifs israéliens font subir « légalement » aux Palestiniens, profitant du fait qu’ils sont archi-majoritaires au Parlement israélien. Il faut dire que l’état d’Israël est une « démocratie » très particulière : le fait qu’elle ne s’est pas dotée d’une Constitution garantissant les droits fondamentaux des individus et des minorités lui a permis et lui permet toujours de discriminer à sa guise ses habitants non juifs. La « démocratie » israélienne est en réalité la dictature de la majorité (juive) sur la minorité (essentiellement palestinienne). Par contre, dans toutes les démocraties européennes, les droits et libertés individuels des citoyens sont garantis par les lois fondamentales des états et de nombreuses lois protègent les droits des minorités (ce qui ne veut pas dire que tout y est parfait sur ce plan). C’est ainsi que dans aucun de ces états les minorités juives ne sont discriminées.

Mais alors, pourquoi les Israéliens ne revendiquent-ils pas une démocratie « à l’européenne », puisque ce modèle protège parfaitement ses minorités juives ? Et pourquoi la majorité des juifs qui vivent ainsi protégés dans ce type de démocratie (qui existe aussi sur le continent américain) ne sont-ils pas critiques vis-à-vis de la politique manifestement raciste de l’état d’Israël à l’égard de la population palestinienne ?

Réponse : c’est parce que les uns et les autres ont adhéré en masse à l’idéologie sioniste.

Il reste à expliquer pourquoi. Ce qui oblige à revenir un instant sur les fondements irrationnels de cette idéologie.  

Comment expliquer l’adhésion de très nombreux juifs à l’idéologie sioniste ?


Le projet sioniste est né à la fin du XIXe siècle, époque où les communautés juives de l’empire russe furent victimes d’épouvantables pogroms, ces agressions en groupes tolérées voire suscitées par le régime tsariste qui coûtèrent la vie à des milliers de personnes. Il repose sur une vision extrêmement pessimiste de l’humanité selon laquelle toute cohabitation harmonieuse entre les minorités juives et les populations non juives majoritaires est impossible à long terme. Pour les sionistes, l’histoire des minorités juives dispersées dans le monde n’a été faite que d’une succession de malheurs dus à la malveillance des populations majoritaires à l’égard des juifs. C’est pourquoi les juifs, considérés comme formant un peuple particulier, doivent renoncer à vivre parmi les autres peuples, potentiellement hostiles, et créer leur propre état, un état fort, capable de se défendre seul contre tout agresseur potentiel. C’est cette conception des rapports entre juifs et non juifs qu’on appelle le « complexe de Massada » ou de la « citadelle assiégée »[22].
 
Mais jusqu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’idéologie sioniste resta minoritaire parmi les juifs européens et quasi absente des autres communautés juives dont les membres vivaient généralement en bonne entente avec leurs voisins non juifs. Le sionisme n’est devenu l’idéologie dominante dans la plupart des communautés juives qu’après la Deuxième Guerre mondiale. 

Comment l’expliquer ?

Beaucoup de gens sous-estiment les effets psychologiques à long terme que peut générer un génocide. Le ralliement à l’idéologie sioniste de la majorité des juifs européens au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale s’explique avant tout par une vision du monde transformée par l’expérience traumatisante du judéocide. Et ces traumatismes transmettent une partie de leurs effets aux générations suivantes : tout juif dont les parents ou les grands-parents ont vécu la guerre sous le joug nazi est, d’une manière ou d’une autre, psychologiquement « marqué » par cet atavisme. Ce qui explique, au moins en partie, pourquoi la vision sioniste du monde est encore dominante aujourd’hui parmi les juifs européens ou d’origine européenne. C’est ainsi que l’état moderne d’Israël est considéré par de nombreux juifs de la diaspora comme « le dernier refuge », le lieu où l’on pourrait se réfugier « au cas où … ». D’où l’importance vitale, à leurs yeux, de le préserver en tant qu’« état juif », ce qui implique que les juifs y restent, à tout prix, majoritaires.

Ceci permet de comprendre pourquoi la majorité des Israéliens et un grand nombre de juifs de la diaspora, pourtant partisans inconditionnels de la « loi du retour » qui permet aux juifs du monde entier de devenir citoyens de l’état d’Israël, refusent d’admettre le principe du droit au retour des exilés palestiniens victimes des guerres successives ayant opposé Juifs et Arabes en Palestine-Israël depuis 1947. Le fait que les représentants palestiniens se déclarent depuis longtemps prêts à négocier la mise en œuvre de ce principe n’y change rien.

En réalité, depuis sa création, Israël est le pays où les juifs sont le moins en sécurité. Ce constat ne semble pas ébranler la conviction qu’il constitue un refuge pour les juifs. C’est même le contraire qui se produit : plus la politique de l’« état juif » se heurte à la résistance des Palestiniens et à la réprobation de l’opinion publique internationale, plus la majorité de l’opinion publique juive israélienne et diasporique, confortée dans le sentiment que les juifs sont encore et toujours les victimes de l’hostilité des non juifs, se raidit dans une attitude intransigeante. Ce qui, d’une part, amène les électeurs israéliens à se choisir des dirigeants de plus en plus intraitables avec les Palestiniens et, d’autre part, fait grandir chez ceux-ci des sentiments de colère, d’humiliation, voire de haine et de désespoir, ce désespoir qui amène certains Palestiniens, ne trouvant plus de sens à leur vie, à chercher à en donner un à leur mort, en perpétrant de meurtriers attentats-suicides. Nous sommes là dans un tragique cercle vicieux.

Mais aujourd’hui les descendants des victimes du judéocide sont devenus minoritaires parmi les Juifs israéliens. Il reste donc à expliquer pourquoi le raidissement décrit ci-avant concerne l’écrasante majorité de la population juive d’Israël.

Dans son livre Le Septième Million, l’historien israélien Tom Segev  nous donne la clé de cette énigme. Il y montre comment les dirigeants israéliens ont utilisé la mémoire du génocide des juifs par les nazis pour façonner une identité collective israélienne. Dès leur plus jeune âge, les enfants israéliens, quelle que soit l’histoire de leurs ancêtres, sont élevés dans le souvenir et le culte du passé tragique des communautés juives européennes. C’est donc l’ensemble de la population juive israélienne qui porte le poids du passé, qui se voit transmettre le traumatisme et ses effets secondaires, à commencer par le « complexe de Massada ». [23] 

Pour tous ceux qui sont imprégnés de la vision sioniste du monde, celui qui aspire à la « désionisation » de l’état d’Israël, c’est-à-dire à sa transformation d’un « état juif » en  un état de tous ses citoyens traités sur pied d’égalité, ne peut être qu’un ennemi mortel des juifs.

Instrumentaliser l’antisémitisme pour justifier une politique profondément raciste


Durant l’offensive de l’armée israélienne au Liban de l’été 2006 et plus précisément au lendemain du bombardement de Kfar Kana au cours duquel au moins trente civils dont une majorité d’enfants avaient péri suite à un bombardement israélien, le premier ministre israélien, Ehud Olmert déclara dans un discours adressé « aux dirigeants du monde » : « Aujourd’hui je représente la voix de six millions de citoyens israéliens bombardés qui représentent eux-mêmes la voix de six millions de Juifs assassinés qui furent réduits en poussière et en cendre par des sauvages en Europe. Dans les deux cas, les responsables de ces actes diaboliques étaient, et sont, des barbares dénués de tout humanité qui se sont donnés un seul simple but : effacer le peuple juif de la surface de la terre, comme le disait Adolf Hitler, ou effacer l’état d’Israël de la carte, comme le proclame Mahmoud Ahmadinejad.  
Et vous, de la même manière dont vous n’avez pas pris au sérieux ces paroles à l’époque, vous les ignorez aujourd’hui. Et cela, Mesdames et Messieurs, dirigeants du monde, n’arrivera plus. Plus jamais nous n’attendrons des bombes qui ne sont jamais venues pour détruire les chambres à gaz.  Plus jamais nous n’attendrons un salut qui n’arrive jamais. Maintenant nous avons notre propre force aérienne. Le peuple juif est maintenant capable de se dresser contre ceux qui veulent le détruire (…) »[24].

Cette « Guerre de trente-trois jours » avait débuté le 12 juillet 2006, à la suite d’un accrochage entre une patrouille israélienne et des militants du Hezbollah sur la frontière entre le Liban et Israël. Huit soldats israéliens et un membre du Hezbollah avaient été tués et deux soldats israéliens avaient été faits prisonniers. La réaction de l’armée israélienne a été une nouvelle offensive meurtrière (préparée depuis longtemps) visant presque tout le territoire libanais. Au moment de ce discours, les attaques aériennes et terrestres de l’armée israélienne avaient déjà fait plusieurs centaines de morts. Aucun soldat ou milicien libanais n’avait pénétré sur le territoire israélien mais le nord d’Israël était bombardé par le Hezbollah. A l’issue des opérations militaires, Le Liban déplorera près de 1.200 morts, très majoritairement civils et Israël 162 morts dont 121 militaires[25].   

Ce court rappel historique fait apparaître clairement le caractère complètement fantasmagorique du discours d’Olmert. Prétendre que cette guerre d’agression contre le Liban était nécessaire non seulement à la survie du peuple israélien mais même à celle du « peuple juif » tout entier est tout simplement délirant … pour le commun des mortels… mais tout à fait cohérent avec la vision du monde sioniste, dominante en Israël et parmi les juifs ailleurs dans le monde.

A la différence de ce que je me suis efforcé de faire jusqu’ici dans cet article, c’est-à-dire de parler le langage des faits et de l’analyse rationnelle, j’éprouve le besoin de communiquer brièvement au lecteur les sentiments forts que m’inspirent de tels propos. Je fais partie d’une « communauté de destin », celles des juifs d’Europe, croyants ou non, dont les familles ont été décimées durant la Seconde Guerre mondiale, du seul fait que leurs membres avaient été considérés comme juifs par les nazis ou leurs complices. Bien qu’ayant eu la chance de naître plusieurs années après la fin du judéocide, je suis profondément marqué par ce passé familial tragique. Apprendre que le premier ministre israélien prétend parler au nom de  « six millions de citoyens israéliens bombardés qui représentent eux-mêmes la voix de six millions de Juifs assassinés qui furent réduits en poussière et en cendre par des sauvages en Europe » pour justifier des crimes de guerre me remplit de colère. D’autant plus que je sais que cette instrumentalisation des victimes du judéocide, cette prétention à « faire parler les morts » pour justifier une politique profondément raciste et souvent criminelle, est récurrente dans le chef des dirigeants et idéologues sionistes. C’est ainsi que l’état d’Israël et les organisations sionistes qui le soutiennent se sont appropriées, presque partout, l’organisation des commémorations du judéocide. Cet état qui pratique au quotidien une politique raciste, qui sème régulièrement la mort lors de ses opérations militaires et qui, entre deux offensives généralisées, se donne le droit d’organiser des centaines d’« assassinats-ciblés » provoquant la mort de milliers de personnes « non-ciblées » dans d’innombrables « dégâts collatéraux » s’est même arrogé le pouvoir exclusif de désigner les « Justes parmi les nations », c’est-à-dire les personnes non juives estimées dignes d’être distinguées par lui pour avoir sauvé des vies juives au temps de la barbarie nazie. Il est vrai que pour les dirigeants sionistes (je cite Olmert) «effacer l’état d’Israël de la carte » [il faut comprendre ici l’état d’Israël en tant qu’« état des Juifs »] équivaut à « effacer le peuple juif de la surface de la terre ».

Pour justifier la manière, éminemment condamnable au regard du droit international, dont ils ont traité et dont ils traitent les Palestiniens, les dirigeants israéliens ne cessent d’instrumentaliser le judéocide et les autres manifestations (réelles ou supposées) d’antisémitisme. De nombreux livres ont traité de ce sujet.[26] Qu’il s’agisse du refus du retour des exilés et de leurs descendants, des discriminations continuelles dont sont victimes les Palestiniens d’Israël, de la poursuite de l’occupation et de la colonisation des territoires conquis en 1967, des arrestations arbitraires, des mauvais traitements des prisonniers, des « assassinats ciblés », des agressions contre le Liban, de l’interminable et cruelle punition collective que constitue le blocus de Gaza, de l’agression sanglante contre ce même territoire en décembre 2008 et janvier 2009, tout est justifié au nom de la « survie d’Israël » confondue avec la survie des juifs dans leur ensemble puisque pour les dirigeants israéliens et les sionistes partout dans le monde, l’état d’Israël est l’« état refuge », la seule « assurance survie » de l’ensemble des juifs.

Pour la plupart des Israéliens, pétris qu’ils sont de la vision sioniste du monde, les actes agressifs que commettent les Palestiniens ou d’autres Arabes à leur égard ne s’explique que par leur « haine des juifs ». Et il en est de même pour ce qui concerne la solidarité active de ceux qui défendent les droits bafoués du peuple palestinien. Combien de fois n’entend-on pas, par exemple, des « amis d’Israël » insinuer que ceux qui s’engagent pour la cause d’une paix juste au Proche-Orient doivent avoir un fond d’antisémitisme puisqu’ils concentrent leurs attaques contre l’« état juif » et qu’ils négligent de s’indigner contre d’autres états qui commettraient des crimes entraînant des victimes beaucoup plus nombreuses (au Darfour, dans l’est du Congo, …). On pourrait répondre à cela que personne ne peut humainement s’engager pour toutes les causes justes du monde, que le confit israélo-palestinien concerne particulièrement les Européens que nous sommes parce que le génocide des juifs s’est produit en Europe et que la responsabilité européenne dans l’origine du conflit (la décision de diviser la Palestine en un état juif et un état arabe) est énorme, que l’enjeu de ce combat centenaire dépasse de loin ses protagonistes directs vu qu’il mine profondément les relations entre le « monde occidental » et le « monde musulman », etc. Mais je crois qu’il est vain, du moins à brève échéance, de tenir le langage de la raison à des personnes pétries de la vision sioniste du monde. Il est par contre très important que ceux qui désirent œuvrer pour une paix juste au Proche-Orient ne tombent pas dans le piège de la culpabilisation, susceptible de les démobiliser.

Les dérives antisémites et négationnistes chez certains « amis » des Palestiniens


Les sionistes militants font tout ce qu’ils peuvent pour faire croire à l’opinion publique que tous les juifs soutiennent le droit à l’existence de l’état d’Israël comme « état juif » et que toute personne remettant cet état de fait en question ne peut que vouloir du mal aux juifs. C’est ainsi que ceux qui militent pour que justice soit rendue aux Palestiniens, pour que la démocratie règne en Palestine-Israël, c’est-à-dire pour que l’« état des Juifs » soit remplacé ou bien par deux états dont les citoyens bénéficient tous des mêmes de droits, et dans le(s)quel(s) les droits culturels des minorités sont protégés ou bien par un seul état binational, sont régulièrement traités d’antisémites se cachant derrière le « masque de l’antisionisme ». Quant aux juifs qui sont du même avis, ils sont soit considérés comme des traîtres, soit comme des malades mentaux souffrant de la « haine de soi ».

Mais si ceux qui prennent la défense des Palestiniens victimes depuis si longtemps du déni de leurs droits ne doivent pas céder au chantage à l’antisémitisme, ils doivent aussi rester vigilants face aux dérives antisémites qui existent sans aucun doute chez certains « amis » du peuple palestinien. Je parle bien d’antisémitisme et non de judéophobie car les préjugés dont il va être question ne concernent pas  les seuls adeptes et pratiquants de la religion juive mais bien l’ensemble des juifs, qu’ils soient croyants ou non, considérés (à tort selon moi) comme constituant une seule ethnie.

La confusion entre juifs, Israéliens et sionistes


Certains défenseurs des droits des Palestiniens tombent à pieds joints dans le piège que leur tendent les propagandistes sionistes : ils pensent que tous les juifs soutiennent inconditionnellement la politique de l’état israélien voire même que tous les juifs sont titulaires d’une double nationalité, celle du pays où ils vivent et l’israélienne. Ce préjugé est non seulement contraire à la vérité mais de plus empreint de racisme puisqu’il revient à présumer que toutes les personnes considérées comme appartenant à un même groupe ethnique ou religieux pensent automatiquement la même chose. Il fait de plus beaucoup de tort à la cause d’une paix juste au Proche-Orient car il renforce une représentation ethnique ou religieuse du conflit, dans lequel on ne prend pas parti pour ce qui est juste mais pour un « camp » compris comme un des deux groupes en conflit.

Le mythe du « lobby juif »


Aux états-Unis, où les groupes de pressions (lobbies) ont plus qu’en Europe pignon sur rue, les sionistes utilisent eux-mêmes l’expression « lobby juif » pour désigner l’ensemble des puissantes organisations qui consacrent tous leurs efforts à amener les autorités politiques américaines à soutenir politiquement, économiquement et militairement les gouvernements israéliens quels que soient leurs choix politiques[27]. En Europe cette expression est moins entrée dans les mœurs, ce qui n’empêche pas des lobbys pro-israéliens d’exister au grand jour, tel par exemple « European Friends of Israël », groupe de pression défendant les positions gouvernementales israéliennes au sein du Parlement européen.

Je pense personnellement que les partisans d’une paix juste au Proche-Orient doivent bannir de leur vocabulaire l’expression « lobby juif » et la remplacer par « lobby pro-israélien » ou « lobby sioniste »[28]. D’abord parce que l’expression « lobby juif » donne à penser que n’agissent au sein de ces lobbys que des personnes juives, ce qui est parfaitement faux. Aux états-Unis par exemple, parmi ceux qui ont le plus de poids dans le lobby pro-israélien, on trouve un grand nombre de chrétiens fondamentalistes qui soutiennent sans réserve l’état d’Israël pour des raisons religieuses : ils sont convaincus que ce qu’ils appellent la « renaissance du Royaume d’Israël » prépare le retour de Jésus sur terre comme Christ triomphant du mal. Selon eux, cet événement provoquera la conversion des juifs qui reconnaîtront enfin la nature divine de Jésus[29]. En Europe aussi on trouve de nombreux activistes non juifs dans les groupes de pression constituant le lobby pro-israélien. Il en est de même du « Congrès sioniste mondial » (fondé en 1897) qui ne regroupe pas que des juifs et ne représente pas, loin de là, tous les juifs du monde.

L’utilisation du terme « lobby juif » pour parler de ces groupes de pressions soutenant la politique du gouvernement israélien contribue également à renforcer l’image d’un conflit ethnique dans lequel chacun doit choisir entre le « camp juif » et le « camp palestinien » ou le « camp arabe ».    

Les mythes du « complot sioniste » et du « complot juif »


Bien qu’agissant souvent discrètement, ces lobbys sont loin de constituer des organisations secrètes. Une minorité de militants « pro-palestiniens » est pourtant persuadée que les sionistes, poursuivent un but caché qui serait soit la création d’un « grand Israël » qui s’étendrait « du Nil à l’Euphrate » soit carrément la « domination du monde ». Ces derniers pensent que « les sionistes », qu’ils confondent souvent dans ce cas avec « les juifs » sont les vrais dirigeants (en grande partie cachés) des états-Unis d’Amérique ; ce qui expliquerait selon eux le soutien inconditionnel que les dirigeants américains accordent à l’état d’Israël. On retrouve ici le vieux mythe antisémite du « complot juif mondial » déjà véhiculé à la fin du XIXe siècle par la police tsariste par le moyen d’un faux célèbre, le « Protocole des sages de Sion » et repris par Adolf Hitler dans « Mein Kampf ». Cela relève du délire … qui contribue lui aussi à discréditer le combat des partisans d’une paix juste entre Israéliens et Palestiniens.

La tentation du négationnisme[30]


Le livre de Roger Garaudy Les mythes fondateurs de la politique israélienne[31] a connu un incontestable succès auprès d’un certain nombre de militants de la cause palestinienne. Dans un chapitre intitulé « Le mythe de l’holocauste », l’auteur défend la thèse selon laquelle les nazis n’ont pas organisé de génocide des juifs. Les chambres à gaz homicide n’auraient pas existé. Les victimes juives des nazis, beaucoup moins nombreuses que les chiffres admis par la plupart des historiens[32], condamnées aux travaux forcés dans les camps de concentration, seraient uniquement mortes d’épuisement, de sous-alimentation ou du fait de maladies contagieuses. Garaudy insinue que le génocide serait une invention servant à la fois les intérêts de Staline « pour gommer ses répressions sauvages », des « colonialistes occidentaux » pour « faire oublier leurs propres crimes », des Anglo-américains, pour faire oublier les terribles bombardements de l’Allemagne et du Japon (utilisation de bombes atomiques) à la fin de la guerre et des sionistes, pour légitimer leur politique.

Pourtant contredite par d’innombrables travaux d’historiens s’appuyant sur des milliers de témoignages de victimes, de bourreaux et de témoins fortuits ainsi que sur de très nombreux documents, cette thèse séduit un nombre non négligeable de sympathisants de la cause palestinienne, prêts à croire à la théorie du complot. Souvent de bonne foi, ils adoptent le raisonnement simpliste suivant, directement inspirés des auteurs et propagandistes des thèses négationnistes : les sionistes utilisent le judéocide pour justifier leur politique criminelle, c’est donc qu’ils l’ont inventé (ou exagéré) pour ce faire. J’en soupçonne quelques autres d’avoir moins de scrupules et d’adopter l’attitude suivante : puisque ce génocide sert les sionistes, nions-le !

Voici ce qu’en pensait Edward Saïd, intellectuel palestinien exilé aux états-Unis où il était devenu professeur d’Université tout en restant un militant infatigable de la cause de son peuple[33]. Il adressait ce qui suit aux intellectuels arabes :

« La thèse selon laquelle l’Holocauste[34] ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là de manière inacceptable. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs ? Pourquoi, si nous nous révélons incapables de traiter avec les faits dès lors qu’ils dérangent la vision simpliste d’intellectuels bien-pensants qui refusent de voir le lien qui existe entre l’Holocauste et Israël ? Dire que nous devons avoir conscience de la réalité de l’Holocauste ne signifie aucunement que nous acceptons l’idée que l’Holocauste innocente le sionisme du mal fait aux Palestiniens. Au contraire, reconnaître l’histoire de l’Holocauste et la folie du génocide contre le peuple juif nous rend crédibles pour ce qui est de notre propre histoire. Cela nous permet de demander aux Israéliens et aux Juifs de faire le lien entre l’Holocauste et les injustices sionistes imposées aux Palestiniens. Abonder dans le sens de Roger Garaudy et de ses amis négationnistes au nom de la liberté d’expression est une ruse imbécile qui ne fait que nous discréditer davantage aux yeux du monde. C’est une preuve de méconnaissance fondamentale de l’histoire, un signe d’incompétence et d’échec à mener une bataille digne. »[35]

Une paix juste est incompatible avec la négation de la vérité historique.[36]

 Condamner le terrorisme d’où qu’il provienne


Je voudrais enfin mentionner une autre dérive qui trahit un racisme plus ou moins larvé : le « deux poids, deux mesures » face aux actes qui relèvent du terrorisme.
Entendons-nous d’abord sur le sens de ce mot, souvent utilisé à tort et à travers pour discréditer les actions d’un adversaire : il englobe tous les actes de violence commis dans un but politique envers une population civile pour la terroriser, autrement dit pour créer chez elle un sentiment de peur extrême.

Depuis la fin des années 1980, les « nouveaux historiens » israéliens ont démontré de manière irréfutable que les forces militaires sionistes ont utilisé la terreur pour provoquer la fuite des civils palestiniens en 1948.[37] L’armée israélienne s’est, par la suite, livrée à d’innombrables actes de terreur pour « faire tenir tranquille » les populations palestiniennes des camps de réfugiés des pays limitrophes d’Israël puis, à partir de 1967, les habitants arabes de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Et elle continue à le faire. Ses dirigeants ne le reconnaissent évidemment pas : quand ces actes provoquent la mort de civils, il s’agit toujours officiellement de déplorables victimes « collatérales » d’une action destinée à combattre des hommes en armes, toujours dénommés « terroristes » et jamais « résistants à l’occupation». Et quand ces actions ne font pas de morts, ou plus exactement pas de morts directs (blocus sévère, arrestations arbitraires, mauvais traitements, utilisation de bombes assourdissantes, …), la presse n’en parle presque jamais.

Mais les Palestiniens et certains de leurs alliés (je pense aux combattants du Hezbollah durant la « Guerre de trente-trois jours » en 2006) se livrent aussi à des actes de terreur : attentats-suicides au milieu de groupes de civils, tirs de roquettes en direction de localités israéliennes, … Or un certain nombre d’« amis » de la cause palestinienne se refusent à condamner ce type d’actions. Ils dédouanent les combattants palestiniens de toute faute morale avec l’un ou l’autre des arguments suivants :

-  « Face à la puissance de l’armée israélienne, les Palestiniens n’ont pas d’autre choix » ;
-  « En tant que victimes d’un si long et si grave déni de leurs droits, les Palestiniens ont  le droit moral d’utiliser tous les moyens à leur portée pour enfin obtenir gain de cause » ;
-  « Le terrorisme d’état israélien rend légitime les actes de terreur des combattants Palestiniens : ils les commettent pour se défendre » ;   
-  «C’est le seul moyen de se faire entendre au niveau international ».

Je ne peux absolument pas adhérer à ce type de raisonnement. Outre le fait que les actes de terreur commis par les Palestiniens ne servent en aucune manière leurs intérêts, bien au contraire, aucune cause, aussi juste soit-elle, ne peut justifier de tuer délibérément des personnes innocentes. J’ai toujours été très choqué par la pratique des bombardements de zones d’habitation pour gagner une guerre, quelle qu’elle soit. Les Palestiniens ont certes le droit de résister à l’oppression et à l’occupation, y compris par les armes, face aux forces armées israéliennes et aux milices des colons. Mais les actes de terreur déshumanisent ceux qui les commettent et salissent leur cause.

Qu’on me comprenne bien, je ne me permets nullement de juger les personnes qui commettent ces actes, souvent poussées qu’elles sont par un sentiment de grande humiliation et/ou de désespoir profond. Mais je condamne catégoriquement ces actes touchant indistinctement des personnes innocentes et n’épargnant ni les vieillards, ni les enfants.

Et si certains « amis » de la cause palestinienne estiment qu’une vie israélienne vaut moins qu’une vie palestinienne, ils ne sont pas mes amis ni ceux d’une paix juste.

Qui sont les vrais « amis d’Israël » ?


Dans l’expression « ami d’Israël », le mot « Israël » peut recouvrir trois significations : l’état d’Israël, l’ensemble des juifs israéliens ou l’ensemble des juifs. Pour les sionistes, ces notions sont indissociables : on ne peut être l’ami des juifs sans être l’ami des juifs israéliens et de l’« état des Juifs ». Ceci permet de comprendre pourquoi ceux qui, du fait des discriminations qui en découlent pour les habitants non juifs de cet Etat et pour les Palestiniens exilés, jugent illégitime la prétention des dirigeants sionistes à considérer Israël comme « Etat des Juifs » sont le plus souvent considérés par les sionistes comme les ennemis du peuple juif israélien et les ennemis des juifs en général.

Mais l’état d’Israël est-il vraiment l’« ami des juifs » ? Les choix politiques des dirigeants de cet état assurent-ils durablement la sécurité matérielle et physique à l’ensemble des Juifs israéliens ?

Il est un fait indéniable, conséquence inévitable de la manière dont ses dirigeants traitent les Palestiniens, qu’Israël est l’état du monde où les juifs vivent le moins en sécurité. De plus en plus de Juifs israéliens s’installent à l’étranger non seulement parce que leur sécurité physique y est mieux assurée - et ceci sans qu’ils soient astreints à de lourdes obligations militaires - mais aussi dans l’espoir d’une situation meilleure sur le plan économique.  

Les partisans d’une paix juste au Proche-Orient ne sont pas les ennemis du peuple juif israélien. Ils ne considèrent pas que le bonheur des Palestiniens signifie le malheur pour les Israéliens. Bien sûr, pour obtenir une paix durable, les Israéliens devront arrêter d’opprimer et d’exploiter les Palestiniens, reconnaître et réparer, autant que faire se peut, les torts énormes que les choix politiques de leurs dirigeants ont causés à leurs voisins palestiniens. Mais au bout du compte, quand l’« état des Juifs » où règne la loi du plus fort aura fait place à une (ou deux) démocratie(s) digne(s) de ce nom (celle qui assure à chacun des droits et libertés individuels, qui met le racisme hors-la-loi et qui protège ses minorités), tous les habitants de la région bénéficieront d’une vie bien meilleure.   

Cependant, pour en arriver là, vu l’impasse criminelle dans laquelle se fourvoient depuis si longtemps les Israéliens en se choisissant des dirigeants toujours plus intransigeants avec les Palestiniens, les partisans d’une paix juste en Palestine-Israël devront continuer à agir pour que des pressions efficaces contraignent les dirigeants israéliens à mettre fin à leur politique illégale, injuste et cruelle à l’égard des Palestiniens. Seule l’opposition résolue du monde extérieur aux agissements contraires au droit international et aux résolutions de l’O.N.U. pourra à la fois contraindre l’état d’Israël à changer radicalement d’attitude et enfin ouvrir les yeux des Israéliens sur les crimes qu’ils laissent commettre en leur nom.  

Mais les partisans d’une paix juste entre Israéliens et Palestiniens seront d’autant plus entendus et donc efficaces dans leurs actions s’ils combattent résolument les positions revanchardes aux relents racistes de certains soi-disant « amis du peuple palestinien ».  

                                                                                                  
                                                                                             
                                      Michel Staszewski      Septembre 2011


[1] Le Nouveau Petit Robert 2010, p. 2377.
[2] CHARBIT, D., Sionismes. Textes fondamentaux, Albin Michel/Menorah, Paris 1998.
[3] Eretz Israël : « Terre d’Israël » ou « Pays d’Israël » : Ce terme couvre tous les territoires qui ont, à un moment ou l'autre, fait partie d'un des Royaumes juifs à l'époque du Premier et du Second Temple, c'est-à-dire en plus de la Palestine, une partie importante de l'actuelle Jordanie. Aujourd’hui, rares sont cependant les sionistes qui revendiquent encore l’ensemble de ces territoires.
[4] CHARBIT, D., op. cit., pp. II-III.
[5] SAND, S., Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, Paris, 2008.
[6] C’est pourquoi, dans ce texte, je mets une majuscule au nom « Juif » quand je veux signifier qu’il s’agit d’un membre de la nation juive israélienne, qu’il soit croyant ou incroyant. J’adopte la minuscule pour désigner un adepte de la religion juive ou un membre d’une communauté juive (croyant ou non) ailleurs dans le monde.
[7] Extrait des statuts de Brit Shalom (rédigés en 1925), cité in ARON, J., Le sionisme n’est pas le judaïsme. Essai sur le destin d’Israël, Didier Devillez, Bruxelles, 2003, p. 151.
[8] D’autres auteurs avaient cependant défendu avant Herzl l’idée de la création d’un état pour les juifs en Palestine. Le premier d’entre eux fut Moses Hess qui publia en 1862 Rome et Jérusalem. Les premiers colons juifs (les « amants de Sion ») émigrèrent de Russie vers la Palestine dans les années 1880. Le néologisme sionisme fut créé par Nathan Birnbaum en 1890.  
[9] Depuis 1901, le Keren Kayemeth Leisraël (Fonds Unifié pour Israël), est chargé de récolter des fonds auprès des juifs du monde entier pour l’achat de terres en Palestine, terres ne pouvant être occupées et exploitées que par des juifs. Depuis 1967, le K.K.L. a étendu ses activités aux territoires occupés suite à la Guerre des Six Jours  (cf. GOLDMAN, H., Le KKL « trace les frontières d’Israël », in Points Critiques. Le Mensuel, n° 221, Bruxelles, décembre 2001, pp. 19 et 20).
[10] J’utilise ce néologisme court par commodité pour signifier le génocide des juifs européens par les nazis.
[11] Cf. GRESH, A. et VIDAL, D., Palestine 47. Un partage avorté, Editions Complexe, Bruxelles, 1987, p. 25.
[12]  A propos des événements de 1947-1949, cf. VIDAL, D., Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), Editions de l’Atelier, Paris, 2007 et PAPPE, I., Le nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, Paris, 2006.
[13] SANBAR, E., Les Palestiniens dans le siècle, Gallimard, Paris, 1994, p. 66.
[14] VIDAL, D., op. cit., p. 108.
[15] Cf. WAJNBLUM ; H., « Des villages bien réels mais officiellement inexistants », in Points Critiques, Revue trimestrielle de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique, n° 61, mai 1998, pp. 19 à 27.
[16] Cf. PICAUDOU, N., Les Palestiniens, un siècle d’histoire, Ed. Complexe, Bruxelles, 2003, pp. 117-118 et ALGAZY, J., « Le traumatisme persistant des Arabes israéliens », in Le Monde diplomatique, octobre, 2005, pp. 16-17.
[17] Zone « A » : l’Autorité palestinienne y assure, en principe, un contrôle total sur la sécurité et l’administration civile. Zone « B » : L’administration militaire israélienne y est responsable des questions de sécurité et l’Autorité palestinienne de quelques domaines de l’administration civile. Zone « C » (environ 60 % de la Cisjordanie) : les Israéliens en conservent le contrôle total.
[18] Le président iranien Ahmadinejad non plus : il appelle à la disparition de l’« état sioniste » pas au départ des juifs de Palestine. Notons cependant, pour mémoire, que le 2 juin 1967, lors d’une conférence de presse, à la question de savoir ce qu’on ferait des citoyens israéliens si les Arabes gagnaient la guerre qui s’annonçait (la « Guerre des six jours »), Ahmad al-Choukeiry, Président de l’O.L.P. de 1964 à 1967 avait répondu : «  On s’efforcera d’assister les juifs et de faciliter leur départ vers leur pays d’origine ». Quant au sort des juifs né sur place, il avait ajouté : « ceux qui survivront resteront en Palestine, mais selon mon opinion aucun ne survivra » (cité in BEN BASSA, E., être juif après Gaza, CNRS éditions, Paris, 2009, P. 21). Par la suite, alors qu’Ahmad al-Choukeiry avait depuis longtemps perdu le leadership de l’O.L.P., cette déclaration continua à être abondamment utilisée par les dirigeants sionistes pour faire croire à l’opinion publique israélienne et étrangère que le but caché de l’O.L.P. et de leurs alliés était de « jeter tous les juifs à la mer ».   
[19] Article 6 du programme de l’O.L.P. de janvier 1969, cité in PICAUDOU, N., op. cit., p. 152.
[20] Ibidem.
[21] Parlement en exil du peuple palestinien, institution la plus importante de l’Organisation de Libération de la Palestine. Il représente à la fois les Palestiniens de Palestine et les exilés.
[22] En 70 après J.C., après la chute de Jérusalem, un important groupe de révoltés juifs se réfugièrent dans la forteresse de Massada bâtie sur un éperon rocheux dominant la rive ouest de la Mer Morte. Après avoir défié les armées romaines qui les encerclaient durant plus de deux années, sur le point d’être vaincus, les derniers combattants juifs et leurs familles se suicidèrent plutôt que de se rendre.
[23] « Le Septième Million traite de la manière dont les amères vicissitudes du passé continuent à modeler la vie d’une nation. Si le Génocide a imposé une identité collective posthume à six millions de victimes, il a aussi façonné l’identité collective de ce nouveau pays, non seulement pour les survivants arrivés après la guerre, mais pour l’ensemble des Israéliens, aujourd’hui comme hier. » (Tom  SEGEV, Le Septième Million, Editions Liana Levi, Paris, 1993, p. 19). Dans son livre La Nation et la mort. La Shoah dans le discours et la politique d’Israël (La Découverte, Paris, 2004), l’historienne israélienne Idith ZERTAL, confirme les thèses défendues par Tom Segev.
[24] Texte paru dans le quotidien israélien Maariv le 31 juillet 2006.
[25] MERMIER, F. et PICARD, E. (dir.), Liban, une guerre de trente-trois jours, La Découverte, Paris, 2007, p. 5.
[26] Exemples : les ouvrages de Tom SEGEV et Idith ZERTAL, déjà cités ; FINKELSTEIN, N., L’industrie de l’Holocauste, La Fabrique, Paris, 2001 ; WARSCHAWSKI, M., A tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, La Fabrique, Paris, 2003 ; CYPEL, S., Les Emmurés. La société israélienne dans l’impasse, La Découverte, Paris, 2005 ; BURG, A., Vaincre Hitler. Pour un judaïsme plus humaniste et universaliste, Fayard, Paris, 2008. 
[27] A propos du lobby pro-israélien aux États-unis, cf. MEARSHEIMER J. et WALT, S, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, Paris, 2009. Cette étude est extrêmement rigoureuse et fouillée.
[28] Ces expressions sont elles-mêmes des raccourcis pour signifier des groupes de pression soutenant l’essentiel des choix politiques des dirigeants israéliens.
[29] Concernant les « chrétiens sionistes » aux Etats-Unis, je recommande l’étude très fouillée de Célia BELIN, Jésus est juif en Amérique. Droite évangélique et lobbies chrétiens pro-Israël (Fayard, 2011). 
[30] On appelle « négationnistes », ceux qui nient ou minimisent grossièrement l’existence, avérée, d’un génocide. Les auteurs négationnistes récusent évidemment cette qualification puisqu’ils prétendent rétablir la vérité et se qualifient eux-mêmes de « révisionnistes ».
[31] Publié en 1995 aux éditions de la Vieille Taupe.
[32] Les estimations des historiens concernant le nombre de victimes du judéocide varient entre 5.100.000 et 6.000.000.
[33] Très connu et admiré par les Palestiniens, il est mort en 2003.
[34] Le texte original a été écrit en anglais. Les traducteurs ont traduit « holocaust » par « holocauste », terme que je n’emploie pas puisqu’il désigne les sacrifices d’animaux que les Hébreux faisaient dans l’Antiquité pour plaire à leur Dieu. Les anglophones utilisent généralement ce terme pour nommer ce que j’appelle quant à moi « judéocide ».
[35] SAÏD, E.,  « Aux intellectuels arabes, à propos de Roger Garaudy », in Al-Hayat, 30 juin 1998 cité in SAÏD, E., Israël, Palestine, l’égalité ou rien, La Fabrique, Paris, 1999, pp. 141-142.
[36] A propos de cette tentation du négationnisme chez un certain nombre de militants de la cause palestinienne, je recommande vivement la lecture du livre de Gilbert ACHCAR Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits (Actes Sud - Sindbad, 2009), en particulier son chapitre intitulé « De l’affaire Garaudy à l’affaire Ahmadinejad : une instrumentalisation négative de la mémoire de la Shoah », pp. 383-403.
[37] Cf ; VIDAL, D.,  Comment Israël expulsa les Palestiniens …op. cit.

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