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Le blog de Michel Staszewski
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jeudi 31 octobre 2024
mardi 12 décembre 2023
Palestine/Israël : Une vie humaine vaut une vie humaine. D’accord ?
Mise au point préalable : j’adresse ce billet aux personnes qui, quelles que soient leurs appartenances ethnoculturelles ou philosophiques, comme moi, sont attachées à ces valeurs fondamentales de la gauche politique que sont l’aspiration à l’égalité des droits et à la solidarité fraternelle entre tous les humains, dans l’esprit de la « Déclaration universelle des droits de l’Homme ».
Pas aux racistes de toutes obédiences. Passez votre
chemin.
***************
En cette fin d’année 2023, l’émotion est à son
comble chez ceux et celles qui, pour de multiples raisons, se sentent
particulièrement concerné·es par ce qui se passe en Palestine/Israël. Depuis
deux mois, le déchaînement de violences a dépassé tout ce qu’on a connu depuis
la conquête par l’armée israélienne, en 1967, des territoires palestiniens qui
n’étaient pas sous sa domination jusque-là.
Je suis effrayé de constater que même parmi celles
et ceux qui se targuent d’être des militant-e-s antiracistes et des défenseurs
infatigables des droits humains se manifeste, sans doute sous le coup de
l’émotion, une tendance au « repli communautaire », autrement dit à
s’identifier soit aux Palestiniens (parce qu’arabes ou musulmans ?) soit
aux Israéliens (parce que juifs ?) ; et de renoncer, souvent
inconsciemment à considérer que toute vie humaine est précieuse au même titre,
quelle que soit son appartenance ethnique ou religieuse.
Ainsi certaines personnes de gauche, sympathisant·es
de la cause palestinienne refusent de condamner les massacres et enlèvements indiscriminés
de civils (y compris d’enfants et de vieillards) perpétrés le 7 octobre dernier
par des militants armés du Hamas et d’autres factions palestiniennes, estimant
que, puisque la cause palestinienne est juste, toutes les formes de résistance
sont admissibles ; que la fin (juste) justifie donc tous les moyens, sans
exception.
Je ne suis absolument pas d’accord avec ça. Pour
moi, aucune cause, aussi juste soit-elle, ne justifie jamais que des innocents
soient délibérément sacrifiés. Ces moyens-là sont des crimes qui salissent
gravement la cause qu’ils prétendent servir.
Qu’on me comprenne bien : je me permets ce
jugement sur des ACTES que j’estime criminels mais pas de donner des leçons de morale aux
PERSONNES (dont la majorité n’a pas survécu) qui ont commis ces actes car je
sais à quel point leur vécu personnel est éloigné du mien qui vit bien à l’abri
en Belgique : je ne subis pas un
blocus infernal et interminable ; je ne manque de rien alors que les
Gazaouis sont pour la plupart privés de biens aussi indispensables que d’eau
potable, de nourriture variée et en suffisance, d’accès aux médicaments et aux
soins de santé, d’électricité, de carburant, etc. Et, contrairement à
l’ensemble des Gazaouis, je peux me déplacer librement. Les jeunes de la bande
de Gaza, pour la plupart au chômage, n’ont aucune perspective d’une vie digne.
Je suis aussi très inquiet quand je constate que
certain·es de mes ami·es juif·ves de gauche, pourtant sensibles aux souffrances
des Palestiniens et résolument opposé·es aux politiques profondément
discriminatoires menées à l’encontre de ceux-ci par les gouvernements
israéliens successifs, semblent tout à coup éprouver plus d’empathie pour les
victimes juives que palestiniennes. Cela s’est par exemple manifesté par le
reproche de la part de quelques membres de l’UPJB que notre communiqué du 10
octobre ait mentionné autre chose que la condamnation des massacres de la
population civile israélienne, alors que La population gazaouie était déjà
victime de bombardements dévastateurs et que, la veille, Yoav Gallant,
le ministre de la Défense israélien, avait annoncé l’imposition d’un
« siège complet » à la bande de Gaza : « Pas d’électricité,
pas d’eau, pas de nourriture, pas de gaz, tout est fermé ». « Nous combattons
des animaux et nous agissons en conséquence ».
J’ai aussi été choqué quand j’ai constaté que l’appel de
l’UPJB à rejoindre la manifestation du 11 novembre contenait la revendication
de la libération de tous les otages (ce que je trouvais évidemment très bien)
mais sans demander celle des prisonniers politiques palestiniens, alors qu’on
savait à ce moment que, depuis le 7 octobre, au moins 1.400 Palestiniens des
autres territoires occupés avaient déjà été arrêtés, en plus des 5.000 déjà
emprisonnés, dont au moins un tiers de « prisonniers administratifs »,
c’est-à-dire détenus sans inculpation ni jugement. Pour moi, ces
prisonnier·ères sont les otages de l’État d’Israël.
Je ne me considère ni comme « anti-israélien », ni
comme « pro-palestinien ». Je suis partisan d’une paix juste entre
Palestiniens et Israéliens, la seule qui puisse durer. Cela implique pour moi
de me montrer solidaire de la lutte des Palestiniens pour le rétablissement de
leurs droits à vivre dignement dans leur pays. C’est pourquoi je soutiens leur
combat contre l’apartheid israélien. Mais cela n’implique pas pour moi de
considérer que ce but juste justifie l’emploi de n’importe quel moyen. Restons
humains.
Michel Staszewski 29/11/2023
dimanche 19 novembre 2023
Des profs neutres ?
Michel Staszewski
Article paru dans « Traces
de changements » n° 262,
septembre – octobre 2023, pp. 18-19
Faut-il que les profs de l’enseignement
officiel soient neutres ? Est-ce possible ?
Comme tous les profs de l’enseignement
officiel, à l’exception de ceux en charge des cours dits philosophiques, j’étais tenu de respecter un décret neutralité, celui qui concerne l’enseignement organisé par la Fédération
Wallonie-Bruxelles1. On y lit notamment dans son article central : « Devant les
élèves, il [le personnel de l’enseignement] s’abstient de toute attitude et de
tout propos partisans dans les problèmes idéologiques, moraux ou sociaux, qui
sont d’actualité et divisent l’opinion publique ; de même, il
refuse de témoigner en faveur d’un système philosophique ou politique (…) ». Il
apparait donc que, sous l’appellation de neutralité, ce qui est
explicitement exigé des profs de l’enseignement organisé par les pouvoirs
publics est de renoncer à toute forme de prosélytisme en faveur de leurs
convictions personnelles.
Ceci ne m’a non seulement jamais mis dans
l’embarras, mais constitue un principe déontologique auquel j’adhère. J’estime
en effet que l’enseignement officiel, où j’avais délibérément choisi d’exercer
mon métier, ayant vocation à accueillir l’ensemble de la population d’âge
scolaire, n’a pas à prôner un choix idéologique particulier, si ce n’est une
éthique générale basée sur la « Déclaration universelle des droits de l’Homme », que j’avais
d’ailleurs affichée dans ma classe comme un texte de référence, souvent utilisé
comme tel durant mes cours d’histoire. À cet égard, il est intéressant de noter
que dans l’article correspondant (n° 5) du décret de 2003 il a été ajouté
ceci : « Il [le personnel de l’enseignement] veille toutefois à dénoncer les
atteintes aux principes démocratiques, les atteintes aux droits de l’Homme et
les actes ou propos racistes, xénophobes ou révisionnistes. »
Une autre raison explique mon adhésion à cette
interdiction faite aux profs de promouvoir leurs convictions personnelles
auprès des élèves. En tant qu’adulte ayant en charge une partie de
l’éducation d’enfants ou de jeunes et ayant le pouvoir de juger de leurs
acquis, il m’apparait illégitime que les profs profitent de leur ascendant de
fait pour tenter d’influencer idéologiquement leurs élèves.
Cacher ses opinions à ses élèves ?
Si les textes des décrets neutralité me semblent non équivoques, beaucoup de membres du personnel
enseignant, y compris des directions d’établissements ainsi que de nombreux
élèves et parents d’élèves sont pourtant convaincus que ce qui est demandé aux
enseignants est de faire abstraction de leurs opinions et de les cacher à leurs
élèves, de manière à leur apparaitre non engagés, objectifs. Cela est-il
possible ? Est-ce souhaitable ?
Je suis convaincu que les choix pédagogiques et
didactiques, quels qu’ils soient, ne sont pas idéologiquement neutres. Qu’iel
enseigne les mathématiques, une science, une langue, l’éducation physique ou
toute autre discipline scolaire, un·e enseignant·e peut le faire de manière
doctrinaire : « C’est comme ça parce que moi qui suis spécialiste de cette discipline
je vous le dis ; ça ne se discute pas ». Iel peut au contraire s’efforcer de démontrer, par le raisonnement,
le calcul, l’expérimentation, le caractère scientifique et donc vrai
d’un savoir. Iel peut aussi choisir de faire connaitre aux élèves le caractère
évolutif, provisoire des vérités scientifiques, leur histoire. Et accepter d’en
débattre. Sur un autre plan, iel peut décider ou non d’accepter que puissent
être discutées par ses élèves ses évaluations à enjeu certificatif de leurs
acquis d’apprentissages ou ses décisions visant certains de leurs comportements
qu’iel juge répréhensibles. À mes yeux, aucune de ces options déontologiques ne
peut être qualifiée d’idéologiquement neutre.
Les élèves du secondaire ne sont d’ailleurs pas
dupes. Observant les manières variables de se comporter des adultes de l’équipe
éducative, les jeunes sont témoins chaque jour du fait que ces adultes ne
portent pas toustes les mêmes valeurs. Cela est particulièrement évident quand
leurs profs sont manifestement partagés quant à la participation à des actions
de grève, ou plus ou moins favorables à la mise en place au sein de l’école
d’institutions permettant aux élèves de s’exercer à la démocratie consultative
(conseils de délégué·e·s de classe…).
En certaines occasions, cette absence de
neutralité se manifeste aussi au plus haut niveau de la hiérarchie scolaire.
C’est ainsi qu’après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis,
l’ensemble des écoles secondaires de l’enseignement officiel ont reçu du
ministère de l’Éducation l’injonction d’organiser, au même moment, trois
minutes de silence en hommage aux victimes de ces attentats. J’ai, pour ma
part, refusé d’obliger la classe qui m’était confiée à cette heure-là de se
plier à cette directive, laissant le libre choix à chacun·e tout en annonçant
qu’on en discuterait ensuite. Lors de ces échanges, plusieurs élèves ont
manifesté leur étonnement, voire leur indignation que rien de tel n’avait été
organisé lors d’autres évènements particulièrement dramatiques comme le
génocide des Tutsis du Rwanda en 1994.
Un cours d’histoire neutre ?
Comme tous mes collègues, j’étais tenu de
respecter un programme établi sur base du référentiel commun à l’ensemble des réseaux d’enseignement. Les référentiels et
les programmes sont les résultats de choix qui ne peuvent pas être
idéologiquement neutres. Il en est de même quant à l’usage qu’en font les
enseignants.
C’est ainsi que, même si je tenais compte des
thématiques et des concepts que le programme m’imposait, rien ne m’empêchait
d’en privilégier certains et de les traiter à ma manière. Par exemple,
convaincu de l’importance d’une formation en économie politique pour comprendre
le fonctionnement de nos sociétés ainsi que de l’importance des facteurs
économiques pour expliquer les évolutions et ruptures du cours de l’Histoire,
je consacrais délibérément plus de temps que la plupart de mes collègues, au
travers de situations ou d’évènements historiques choisis à cette fin, à
l’apprentissage de concepts tels que : capitalisme, impérialisme,
colonisation, crise de surproduction ou collectivisme.
On ne peut pas connaitre le passé tel qu’il fut
Persuadé que notre accès au passé de
l’humanité ne peut être que partiel et partial, j’affichais en permanence dans
ma classe la citation suivante, d’Albert D’Haenens, que j’utilisais comme
matière à réflexion pour mes élèves : « L’histoire n’est
pas donnée. L’imaginaire la construit, sur base de traces. »
Pour mettre en évidence le côté partiel de notre
connaissance de faits du passé, quand je mettais mes élèves face à un
problème à résoudre sur base d’une documentation, la formulation des questions
posées commençait toujours par la formule : « d’après les
documents dont vous disposez… »
Quant à l’aspect partial des appréhensions du
passé, je le mettais en évidence en confrontant souvent les élèves à des
documents faisant apparaitre des regards subjectifs contradictoires sur les
situations ou évènements concernés.
Cacher sa relation personnelle à l’Histoire ?
Poursuivant l’objectif — qui n’est pas
neutre ! — de contribuer à faire en sorte que les élèves qui m’étaient confiés
se perçoivent comme acteurs potentiels, non seulement de leur destin personnel,
mais aussi de leur environnement large, je veillais à ce qu’ils prissent
conscience que leur histoire personnelle et familiale était reliée à la grande
histoire, que leur famille et eux-mêmes en étaient
partie prenante.
C’est une des raisons pour lesquelles, quand le
sujet s’y prêtait, je les incitais souvent à faire part en classe d’éléments de
la culture ou de l’histoire de leur famille en corrélation avec les problèmes
historiques étudiés. Et, quand je le jugeais approprié, je faisais de même,
dévoilant ainsi une certaine implication de ma famille dans des évènements
historiques. Il en était ainsi quand nous étudions la politique raciste du
régime nazi. Je trouvais que les élèves avaient le droit de savoir que des proches
de leur prof. avaient été victimes de cette politique et donc que, concernant
ce sujet-là plus qu’un autre, il ne pouvait être considéré comme neutre.
Il en était de même quand était abordée une
thématique liée aux croyances religieuses, telle que la crise de la chrétienté
aux XVe et XVIe siècles ou la Philosophie des Lumières au
XVIIIe siècle. Il arrivait toujours un moment où un·e élève me
demandait si j’étais croyant ou à quelle religion j’adhérais. Je répondais à
ces questions, sans m’attarder, mais franchement, estimant qu’iels avaient le
droit de savoir où me situer en cette matière, d’autant plus que beaucoup
d’élèves n’hésitaient pas à dévoiler leurs propres convictions.
Et quand un·e élève me demandait — ce qui
arrivait souvent en sixième, car le cours s’y prêtait — la différence entre la
gauche et la droite en politique, je me faisais un devoir, avant de rencontrer
sa demande, de lui dire que j’allais tenter de lui répondre le plus
objectivement possible, mais qu’iel avait le droit de savoir que,
personnellement, je me situais plutôt à gauche.
Qu’iels le veulent ou non, les profs constituent
des modèles ou des contremodèles marquants pour leurs élèves. Je considère
comme une richesse d’un point de vue éducatif qu’au cours de leur carrière d’élève,
les jeunes se retrouvent en présence d’adultes porteurs de valeurs
différentes.
1 Il s’agit du Décret définissant la
neutralité de l’enseignement de la Communauté (1994). Les profs des autres
réseaux de l’enseignement officiel sont soumis au Décret organisant la
neutralité inhérente à l’enseignement officiel subventionné (2003), au contenu
similaire.
samedi 3 juin 2023
"Palestiniens et Israéliens. DIRE L'HISTOIRE, déconstruire mythes et préjugés, ENTREVOIR DEMAIN"
Ce livre, dont je suis l'auteur a été édité par les éditions du Cerisier en mai 2023.
Son titre donne déjà une idée de son objet. Mais pour que vous puissiez vous faire une idée plus précise de son contenu, suivent :
- un extrait de
l’introduction ;
- la table des matières
détaillée.
Bonne lecture… éventuelle. Vos retours m’intéressent.
Extrait de l’introduction
L’idée de ce livre est née des constats empiriques
suivants :
- Dans le monde occidental, nombreuses sont les personnes
qui, pourtant intéressées par le conflit israélo-palestinien, le trouvent
compliqué et affirment ne pas y comprendre grand-chose.
- Ces mêmes personnes le perçoivent souvent comme insoluble.
J’estime au contraire que, même si sa très longue durée
en fait une histoire pleine de péripéties et de rebondissements, il est tout à
fait explicable. Et qu’il peut être résolu.
C’est ce que j’ai voulu prouver par le présent essai.
Déconstruire les mythes, en
revenir aux faits
Je suis persuadé que l’impression de grande complexité,
qui rend souvent ce conflit énigmatique aux yeux de bien des gens dans cette
partie du monde, a comme cause majeure l’influence dominante dans les médias de
masse d’une vision de celui-ci très marquée par le sionisme devenu l’idéologie
officielle de l’État d’Israël. Du fait de cette prééminence idéologique, les
faiseurs d’opinion font généralement passer pour légitime la prétention de
l’État d’Israël à se vouloir « État juif », alors qu’environ 30 % des
citoyens de cet État, dont 20% de Palestiniens, ne sont pas juifs. Et même
comme « l’État des Juifs du monde entier », donc accueillant pour
toutes les personnes considérées comme juives par cet État mais refusant le
droit au retour des exilés et de leurs descendants. Ils parviennent à faire
passer ces prétentions pour incontestables et indépassables ; et pour
antisémites et adeptes de la « destruction d’Israël » ceux qui les
remettent en question.
Ce « sionisme d’État » tend logiquement à
promouvoir, avec un succès certain, une vision valorisante d’Israël et à
justifier les décisions politiques de ses dirigeants, donc à édulcorer, passer
sous silence, voire nier des réalités dérangeantes, en particulier les
conséquences désastreuses pour l’ensemble des Palestiniens de l’obsession
sioniste de faire tout pour que la citoyenneté israélienne soit réservée très
majoritairement aux Juifs.
(…)
Table des matières
INTRODUCTION
• Déconstruire les mythes, en
revenir aux faits. . . . . . . . . . . . . 9
• L’impossible neutralité de
l’auteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
• Structure de l’ouvrage. . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
• Questions de vocabulaire. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
CHAPITRE 1
L’idéologie sioniste
• Définitions. . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
• Fondements idéologiques du
sionisme. . . . . . . . . . . . . . . . . 19
◦◦ Une vision particulière de l’histoire des Juifs justifie le projet sioniste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
◦◦ Enjeux idéologiques contemporains de cette représentation de l’histoire des Juifs. . . . . . . . . . . 21
◦◦ Critique de la vision sioniste de
l’histoire des Juifs. . . .22
◦◦ Les principales tendances du mouvement
sioniste. . . . .24
• Les Juifs et le sionisme. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
• L’idéologie sioniste
peut-elle être qualifiée de raciste?. . . . . 33
CHAPITRE 2
Le sionisme mis en pratique
(1880-1949)
La Première Alya . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
La Deuxième Alya . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
La Déclaration Balfour. . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
La Troisième Alya. . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
La Quatrième Alya . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
Les émeutes de 1929 . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Le mouvement sioniste face à l’accession au pouvoir des nazis en Allemagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
La Cinquième Alya. . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
1936 - 1939 : La grande révolte des Arabes de Palestine. . . . . . 54
Le premier plan de partage de
la Palestine. . . . . . . . . . . . . . . . 56
Le «livre blanc» (1939). . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Le programme de Biltmore. . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
1945 - 1947. . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Le plan de partage de l’ONU .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Du vote du plan de partage à
l’expulsion
des Palestiniens. . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
CHAPITRE 3
L’obsession sioniste de
l’entre-soi
et ses conséquences pour
les Palestiniens. . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Les ennemis de l’intérieur. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Le «grand remplacement». . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Légalisation de la
spoliation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
«Loi du retour» contre «Droit
au retour». . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Israël, État juif. . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Discriminations selon
l’appartenance religieuse. . . . . . . . . . . . 98
Limitation des droits politiques des Palestiniens citoyens de l’État d’Israël. . . . . . . . . . . . . . . . 99
Discriminations socioéconomiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
La loi sur les «comités
d’admission». . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
CHAPITRE 4
Israël au-delà de ses
frontières de 1949. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Pourquoi la «Guerre des six
jours»?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
De la conquête militaire à la
colonisation. . . . . . . . . . . . . . . . 110
Le laisser-faire
international. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
Le rôle des sionistes
religieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
La politique des
gouvernements israéliens. . . . . . . . . . . . . . . 119
Le complexe de Massada . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
CHAPITRE 5
Le sort des populations
arabes
des territoires occupés
depuis 1967. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
1967 - 1987 : une
administration militaire «éclairée»?. . . . . . 125
Résistance et répression . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
1987 - 1993 : la «Première
Intifada» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Ce que le «processus d’Oslo» va changer pour les Palestiniens des territoires occupés. . . . . . . . . . . . . . 136
Entraves croissantes à la liberté de mouvement et «vol du temps» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Engrenage sanglant. . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
La «barrière». . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
Après Sharon. . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Des politiques d’occupation
différenciées . . . . . . . . . . . . . . . 156
Jérusalem-Est . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Hébron. . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
La vallée du Jourdain . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Le plateau du Golan . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Bande de Gaza : une
interminable descente aux enfers . . . . . 167
Période égyptienne et «Crise
de Suez». . . . . . . . . . . . . . . 167
1967 - 1968 : pourquoi le nombre des habitants arabes de Gaza diminue-t-il?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
1970 - 1972 : résistance et
répression. . . . . . . . . . . . . . . . 170
Débuts de la colonisation
juive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Exploitation de la
main-d’oeuvre salariée. . . . . . . . . . . . . 172
Quand Israël soutenait les
islamistes. . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Fermeture de la frontière
égyptienne . . . . . . . . . . . . . . . . 174
La Première Intifada. . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
L’enfermement et ses
conséquences sociales. . . . . . . . . . 177
La Deuxième Intifada. . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Départ des colons. La bande
de Gaza assiégée. . . . . . . . . 179
Fatah et Hamas : entre
négociations et guerre civile. . . . . 180
Le Hamas au pouvoir . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Gaza, «entité hostile» . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
CHAPITRE 6
Déconstruire les mythes
et les préjugés. . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Mythes sionistes. . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
«Les Juifs du monde entier
constituent
un seul peuple». . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
La «dispersion» des Juifs et
leur constant
désir d’un «retour» dans leur
patrie ancestrale. . . . . . . . . 195
L’antisémitisme est «éternel»
et «inéradicable». . . . . . . . 196
Une «civilisation
judéo-chrétienne»?. . . . . . . . . . . . . . . . 198
«Israël, État-refuge pour les
Juifs». . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
«Le peuple palestinien
n’existe pas…». . . . . . . . . . . . . . . 200
«Faire fleurir le désert». .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
Mythes concernant les
circonstances
de la création de l’État
d’Israël. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
«Les Arabes ne veulent pas la paix, mais la destruction de l’État d’Israël». . . . . . . . . . . . . . . . 206
Diabolisation du Hamas . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
«Israël est la seule
démocratie du Moyen-Orient». . . . . . 216
Préjugés concernant les Juifs
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Juif = adepte de la religion
juive?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Confusion entre Juifs,
Israéliens et sionistes. . . . . . . . . . . 221
Lobby juif? . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
«Israël dicte sa politique
aux États-Unis». . . . . . . . . . . . . 227
La tentation négationniste. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
À propos de «terrorisme». . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237
«Terrorisme», un concept
extensible. . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Comment prévenir ou faire cesser les actions terroristes menées par des Palestiniens?. . . . . . . . . . . . . 243
CHAPITRE 7
Sortir de l’impasse . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Apartheid à l’israélienne. .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
La non-résolution du conflit israélo-palestinien exacerbe partout le racisme visant les Juifs, les Arabes et les musulmans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Le peuple palestinien ne
renoncera pas à ses droits. . . . . . . . 251
L’angoisse entretenue des
Juifs israéliens. . . . . . . . . . . . . . . . 252
Limites du sionisme de
gauche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
L’initiative de Genève. . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
Lignes rouges . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Une solution à deux États
est-elle encore possible?. . . . . . . . 259
Quelle solution à un seul
État?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
Penser «binational». . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
«Droit au retour» et «Loi du
retour». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
Se réconcilier. . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264
L’immense responsabilité des
États occidentaux . . . . . . . . . 265
L’action citoyenne . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267
Pour conclure
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . 271
Des raisons de désespérer . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271
Des raisons d’espérer . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
Combien de temps encore pour
sortir de l’impasse? . . . . . . 274
Repères chronologiques
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
277
Glossaire/Index
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . 289
Pour en savoir plus
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . 317
Cartes
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . 323
mardi 28 mars 2023
Qui arrêtera le sixième gouvernement Netanyahu ?
Article paru dans Le Drapeau rouge n° 97, mars avril 2023 pp. 10-11
Michel Staszewski
Le
gouvernement le plus à droite de toute l’histoire de l’État d’Israël
Fin décembre
2022, Benyamin Netanyahu a reconquis le poste de premier ministre pour la
sixième fois malgré sa triple inculpation pour corruption, fraude et abus de
confiance. Son parti, le Likoud, a en effet obtenu le plus grand nombre
de sièges au parlement israélien et, pour y obtenir la majorité absolue, s’est
allié avec les partis ultra-orthodoxes Shas et Judaïsme unifié de la
Torah ainsi qu’avec trois partis de la droite sioniste religieuse la plus extrême
(Force juive, Sionisme religieux et Noam) qui avaient
présenté, pour l’élection législative du 1er novembre 2022, une
liste commune dénommée Parti sioniste religieux. Il a ainsi pu former le
gouvernement le plus à droite et le plus religieux de toute l’histoire de
l’État d’Israël. Ce succès va sans doute lui permettre d’échapper, au moins
pour un temps, à des condamnations judiciaires.
Itamar
Ben Gvir, de Force juive, a obtenu le « Ministère de la sécurité
nationale », ce qui signifie qu’il dirige désormais la police. Il s’est de
plus vu attribué le contrôle de la « police des frontières » qui
dépendait jusqu’ici du Ministère de la
Défense, ce qui étend son pouvoir de police aux territoires occupés. Ben Gvir
est un admirateur de feu le rabbin Kahane qui professait la haine des Arabes et
prônait leur expulsion de la « Terre d’Israël ». Le parti Kach,
que celui-ci avait fondé, fut interdit en 1994 car considéré comme terroriste
par le gouvernement israélien. Ben Gvir prône lui-même le transfert d’une
partie de la population arabe israélienne, jugée déloyale, vers les pays
voisins.
Bezalel
Smotrich, le dirigeant de « Sionisme religieux », qui voudrait que
les lois israéliennes soient basées sur la Torah et qui souhaite l’interdiction
des partis « arabes » israéliens qui ne font pas allégeance à
l’« État juif », a reçu le Ministère des finances et aussi le
contrôle de l’«administration civile » (en réalité militaire) de la
Cisjordanie.
Ces deux
hommes, qui sont eux-mêmes des colons installés en Cisjordanie, sont partisans
de l’annexion à Israël de l’ensemble de ce territoire. Pour ces sionistes
religieux, la « Judée-Samarie » fait partie de la « Terre
d’Israël », donnée par Dieu au « peuple d’Israël ». Les Juifs y
auraient donc seuls le droit de s’y installer, les « Arabes » n’y
étant « tolérés » qu’à condition d’accepter la suprématie juive.
La première
des vingt « lignes directrices » de ce nouveau gouvernement
stipule : « Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur
toutes les parties de la Terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et
développera l’expansion de la présence juive dans toutes les parties de la Terre
d’Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan et en Judée-Samarie ».
Voilà qui est clair. Ce 12 février 2023, on apprenait que neuf nouvelles
colonies « illégales » (selon le droit israélien) allaient être
« légalisées ».
Avigdor Maoz,
du petit parti Noam devient vice-ministre et chef d'une nouvelle agence
gouvernementale de l'"identité juive nationale" au sein du bureau du
Premier ministre. Il est désormais responsable de l’immigration, des ONGs
étrangères et a obtenu un droit de regard sur les programmes scolaires. Il
partage avec Smotrich et Ben Gvir un virulent racisme anti-arabe et le rejet de
l’homosexualité. La lutte contre les droits des personnes LGBTQI est pour lui
une priorité.
Pour
s’imposer, cette coalition a profité de la faiblesse des partis dits de la
« gauche sioniste » et de la division des partis dits
« arabes ». Le Meretz, seul parti sioniste opposé à
l’occupation et à la colonisation des territoires conquis en 1967, n’a pas
réussi à atteindre le seuil électoral de 3.25 %, nécessaire pour obtenir des
élus. Il en a été de même pour le Balad (« Ligue démocratique
nationale »), parti antisioniste dont la majorité des électeurs sont des
Palestiniens.
Depuis des
dizaines d’années, d’élection en élection, de plus en plus nombreux sont les
Juifs israéliens qui votent pour les partis les plus favorables à la poursuite
de la colonisation des territoires occupés depuis 1967 ou pour les partis
ultra-orthodoxes, qui ne s’y opposent pas.
Le nombre
grandit de ceux d’entre eux qui adhèrent à la vision simpliste mais cohérente
des sionistes religieux pour lesquels la « Terre d’Israël » a été
donnée par Dieu aux Juifs et à eux seuls. Parmi les Juifs israéliens moins ou
non religieux, le mythe du retour sur la terre de leurs ancêtres qui en
auraient été chassés il y a plus de deux mille ans est généralement accepté
comme une vérité historique légitimant la « recréation » d’un
« État juif » sur la « Terre d’Israël ». Maintenus par le système
éducatif et les médias dominants dans la peur terrible des
« Arabes », ils sont de plus en plus nombreux à considérer que le
maintien de l’occupation militaire et l’augmentation du peuplement juif de la
Cisjordanie et de Jérusalem-est sont indispensables à la sécurité de la
population juive israélienne.
Que
reste-t-il de la démocratie israélienne ?
Sur
l’ensemble de la Palestine historique, entièrement sous le contrôle d’Israël
depuis 1967, la population juive est aujourd’hui redevenue légèrement
minoritaire. Si l’ensemble des habitants de ce territoire en âge de voter avait
pu participer à l’élection, il est évident qu’une telle coalition n’aurait pu
voir le jour. Mais seuls les Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne
(environ 2.000.000 de personnes), qui ne constituent qu’un peu plus d’un quart
des Palestiniens vivant sous la domination israélienne, possèdent ce droit. Les
5.500.000 Palestiniens vivant dans les territoires occupés (Cisjordanie, Gaza,
Jérusalem-est) en sont privés et n’ont donc pas pu participer au vote le 1er
novembre. Il en est évidemment de même pour les Palestiniens exilés et
descendants d’exilés (plus de 6.000.000 de personnes).
L’État
d’Israël n’est une démocratie que pour ses citoyens juifs. Selon la définition
juridique internationalement acceptée de ce terme[1],
c’est un État d’apartheid. C’est ce que la CESAO (Commission économique et
sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale) a établi dans un rapport
officiel publié en mars 2017.[2] C’est aussi la conclusion à laquelle sont
parvenues, en 2021, deux organisations non gouvernementales ayant pour objet la
défense des droits humains, l’israélienne B’Tselem, et l’internationale Human
Rights Watch. En février 2022, Amnesty International a publié un rapport qui
parvient à la même conclusion.
Mais
cette « démocratie pour les Juifs » est elle-même de plus en
plus attaquée par la droite sioniste.
À
cet égard, l’assassinat, en novembre 1995, d’Yitzhak Rabin, alors Premier
ministre d’Israël, témoignait d’une
fracture profonde, et déjà ancienne, dans la société juive israélienne. Yigal
Amir, son assassin était un jeune sioniste religieux, admirateur, comme Itamar
Ben Gvir, de Baruch Goldstein, ce médecin juif originaire de New York qui avait
massacré 29 musulmans en prière et en avait blessé 125 en février 1994. Il était
de ceux qui considéraient que le « Processus d’Oslo », qui avait
commencé en 1993, était contraire à la volonté de Dieu et que ceux qui le
promouvaient, même juifs, méritaient la mort. Ces « fous de Dieu »
pour lesquels la « volonté divine » telle qu’ils la concevaient
devait prévaloir sur les choix démocratiques des citoyens israéliens, étaient déjà
nombreux à l’époque. Leur poids numérique et politique a considérablement augmenté
depuis.
Les
Juifs opposés à l’occupation, à la colonisation des territoires occupés et au
blocus de Gaza se sentent de moins en moins en sécurité en Israël. Les militant·e·s
des ONGs israéliennes qui défendent les droits des Palestiniens sont non
seulement menacé·e·s physiquement par les membres des partis sionistes les plus
extrémistes mais encore, victimes de mesures légales décidées par le Parlement
où la droite sioniste domine désormais. C’est ainsi qu’en 2016 fut votée une
loi dont le but était de diminuer les ressources financières de telles
associations sous prétexte que leurs subsides provenaient pour plus de moitié
de l’étranger. C’était le cas, entre autres, de B’Tselem, le centre israélien
d’information pour les droits de l’Homme dans les territoires occupés.
En
Israël, la Cour suprême a le pouvoir d’empêcher l’entrée en vigueur d’une loi,
pourtant votée par le Parlement, qui serait contraire aux Lois fondamentales de
l’État d’Israël faisant office de constitution. La nouvelle majorité veut
mettre fin à ce pouvoir en imposant une « clause dérogatoire » permettant
de revoter une loi refusée par la Cour suprême sans que celle-ci puisse cette
fois s’y opposer.
Ainsi,
par exemple, le nouveau
parlement vient de voter en urgence une loi autorisant une personne reconnue
coupable d’un crime, mais pas condamnée à la prison ferme, à obtenir un
portefeuille ministériel, ceci pour permettre à Aryeh Deri, chef du parti
ultra-orthodoxe Shas, de redevenir ministre alors qu’il a été récemment condamné
avec sursis pour fraude fiscale.[3]
Cette loi a été invalidée par la Cour suprême et Aryeh Deri, à peine nommé a dû
renoncer à son poste… provisoirement car cette loi pourrait tout de même entrer
en vigueur grâce à la « clause dérogatoire ».
Autre exemple : si les
députés votaient une loi permettant d’annuler ou de suspendre pendant la durée
de son mandat de premier ministre le procès de M. Netanyahu pour corruption, et
que la Cour suprême invalidait ensuite ce vote, l’introduction de la « clause
dérogatoire » permettrait de ne pas tenir compte de cette décision de
justice.
Pour le quotidien israélien Haaretz, le mandat de Yariv Levin, le
nouveau ministre de la Justice (membre du Likoud) est clair :
« détruire l’État de droit, les institutions et tout le système » en
donnant le droit au Parlement d’outrepasser la justice.
Et maintenant ?
Avec un tel gouvernement, il ne fait guère de doute que la situation des
Palestiniens va encore empirer, non seulement celle de ceux qui vivent en
territoire occupé et sont soumis à l’arbitraire de l’armée israélienne mais
aussi celle de ceux qui disposent de la citoyenneté israélienne. Et il est
certain qu’Iels résisteront à ce nouveau « tour de vis ». Ce qui
engendrera une répression toujours plus féroce de la part de ceux qui restent
les plus forts. Pour la majorité des Juifs israéliens, la peur engendrant le
rejet des « Arabes » ne fera
que grandir. Un cycle infernal.
Seules de fortes pressions extérieures sur les dirigeants israéliens
rendraient possible une sortie de cette impasse. Face à ce gouvernement
d’extrême droite, les États qui, depuis la création de l’État d’Israël, ont été
d’une complaisance extrême avec ses dirigeants malgré leur non-respect
systématique du droit international vont-ils enfin changer leur fusil
d’épaule ? Rien n’est moins sûr. Tout dépendra de la mobilisation de leurs
opinions publiques. De nous tou·tes, donc.
**************************
[1] « Convention internationale sur l’élimination et la
répression du crime d’apartheid », adoptée par l’Assemblée générale de
l’ONU le 30 novembre 1973.
[2] A la suite de pressions exercées par les
représentants des États-Unis et d’Israël, le secrétaire général de l’ONU,
Antonio Guterres, a fait déclassifier ce rapport. Ce qui a entraîné la
démission de la secrétaire exécutive de la CESAO, Rima Khalaf.
[3] En
2000 déjà, reconnu coupable de corruption, il avait purgé près de deux ans de
prison.
dimanche 19 juin 2022
Validation du résultat des élections en Belgique : Il faut modifier d’urgence la Constitution
PourEVA (Pour une Éthique du Vote Automatisé)
Source : https://www.poureva.be/spip.php?article998
Parmi les quarante-six États membres
du Conseil de l’Europe, seuls trois d’entre eux - l’Italie, le Luxembourg et la
Belgique - persistent à ce jour à maintenir la validation du résultat des
élections par les élus eux-mêmes, sans recours possible.
En Belgique, cela concerne non
seulement le Parlement fédéral mais aussi les parlements régionaux et de
communauté ainsi que les parlements provinciaux de Wallonie, en vertu de
l’article 48 de la Constitution, inchangé depuis 1831, et dont l’application a,
depuis, été étendue aux entités fédérées. Ces parlements ont, seuls, le pouvoir
de contester le résultat d’une élection et d’ordonner éventuellement que
celle-ci soit refaite. On ne s’étonnera pas que cela ne soit jamais
arrivé : pourquoi les élus remettraient-ils en question leur propre
élection ?
Le 10 juillet 2020, par l’arrêt « Mugemangango contre Belgique », la
Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’État belge pour
violation des articles 3 et 13 du premier protocole additionnel de la
Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Ces articles concernent le droit à des élections libres et celui à un recours
effectif. Germain Mugemangango, candidat du PTB aux élections régionales
wallonnes de mai 2014, auquel il manquait 14 voix pour obtenir un siège de
parlementaire dans l’arrondissement de Charleroi, s’appuyant sur l’allégation
de différentes irrégularités, avait demandé un recomptage. Bien que la
commission de vérification des pouvoirs du Parlement wallon avait déclaré sa
demande recevable et fondée, elle lui a été refusée par les membres du même
parlement réunis en assemblée plénière. Ces parlementaires validèrent donc les
pouvoirs des élus de la province du Hainaut. Parmi les votants : les élus
de la province du Hainaut ! [1] C’est parce qu’il n’avait aucune possibilité
de recours contre cette décision en Belgique qu’il avait fait appel à la CEDH.
De l’urgence de modifier la
Constitution : la preuve par le « bug » de mai 2014
Dans le cas des élections communales,
des recours contre le résultat d’une élection peuvent aboutir à son annulation.
Cela s’explique parce que, dans ce type d’élection, ce ne sont pas les élus qui
ont à juger de la pertinence d’un recours susceptible de remettre en cause leur
propre élection. C’est ainsi, par exemple, que l’élection communale
(informatisée) de Jurbise d’octobre 2000 a été annulée par le Conseil d’État [2] et a dû être refaite. Il en a été de même à
Neufchâteau lors des élections communales (« papier ») d’octobre 2018
à la suite de laquelle il était apparu que de fausses procurations avaient été
utilisées.
En toute logique démocratique, cela aurait aussi dû être le cas à Bruxelles et
dans les communes germanophones lors des élections régionales, fédérales et
européennes du 25 mai 2014. Mais les nouveaux élus, seuls habilités à décider
en la matière selon l’article 48 de la Constitution belge, ont refusé
d’invalider l’élection qui leur a permis d’être élus.
Il s’agit d’un scandale anti-démocratique dont il vaut la peine de rappeler les
détails. [3]
Dès le soir des élections, on apprend par la presse que dans trente-neuf
communes wallonnes et 17 communes bruxelloises qui utilisaient le vote
électronique sans preuve papier, des votes n’ont pas été comptabilisés. Les
responsables du Ministère fédéral (SPF) de l’Intérieur affirment alors, sans
être en mesure de le prouver, que ce problème ne concerne que les votes de
préférence et n’affecte pas la répartition des sièges. Ce soir-là, avertis de
cet incident, plusieurs présidents de bureaux principaux de circonscription
chargés de recenser les voix, de répartir les sièges et de désigner les élus,
refusent de valider le tableau de recensement des voix. Mais deux jours plus
tard, sous la pression du SPF Intérieur, ils reviennent sur leur première
décision et décident d’annuler les votes litigieux qui seraient à la source du
bug, sans même encore en connaître le nombre (2.250) qui ne sera communiqué par
le « collège d’experts chargés du contrôle des systèmes de vote et de
dépouillement automatisés » que le 5 juin. [4]
Les présidents des bureaux principaux de circonscription sont des magistrats et
non des informaticiens. Ils sont donc forcément dépendants des firmes privées
ayant fourni le matériel informatique utilisé pour les opérations électorales
et du SPF Intérieur, qui n’offrent aucune garantie d’indépendance et
d’impartialité : le Ministre de l’Intérieur appartient à une formation
politique participant aux élections, son administration est sous son autorité
et les firmes privées ont, quant à elles, un intérêt financier à minimiser les
problèmes dont elles sont responsables.
Dans le rapport du collège d’experts chargés du contrôle du système de vote et
de dépouillement automatisés, publié le 19 juin, il apparaît que, pour le SPF
Intérieur et pour les firmes privées, ce qui importait n’était pas le respect
de la légalité mais le déblocage rapide de la situation : « Lors de la découverte du bug après le scrutin, le
Collège a constaté que la sécurité et les procédures étaient moins prioritaires
qu’une résolution rapide du problème, ce qui entraina un travail précipité et
de nouvelles erreurs. ». [5] La « résolution » du bug a
elle-même entraîné son lot de bugs : le logiciel de décryptage a lui-même
« buggé » [6], l’évaluation a donné lieu à une « erreur
d’encodage manuel » [7], « les nombres de votes à annuler ont été
mélangés » [8], le logiciel utilisé a « donné des résultats différents » [9], le nombre d’urnes corrompues ou manquantes a
évolué de 27 à 57 [10].
Contrairement aux magistrats exerçant la fonction de président d’un bureau
principal de circonscription, les parlementaires auxquels incombaient la
validation des opérations électorales et la vérification de leurs propres
pouvoirs disposaient du rapport du collège des experts au moment de devoir
prendre leur décision. Ils savaient donc combien de bulletins de vote n’avaient
pas été pris en compte dans la totalisation et l’éventuel impact qu’aurait pu
avoir le « bug » sur la répartition des sièges. Selon le Conseil
d’État et conformément aux standards internationaux, une irrégularité qui
pourrait aboutir à une modification de la répartition des sièges doit entraîner
l’annulation de l’élection. Or, dans le cas qui nous occupe, le collège des
experts avait établi que c’était bien le cas dans deux assemblées : le
Parlement de la Communauté germanophone et le Parlement régional bruxellois.
Dans le premier, un siège aurait pu être attribué à un autre parti ; dans
le second c’est la répartition des sièges entre des candidats d’une même liste
qui aurait pu être différente.
Malgré cela, dès le 10 juin, le Parlement bruxellois valide l’élection par 52
voix pour, 9 contre et 28 abstentions, malgré neuf réclamations introduites
devant lui. Et, en sa séance du 26 juin, le Parlement de la Communauté
germanophone fait de même par 14 voix contre 11.
Les articles 48 et 142 doivent être
ouverts à révision
L’arrêt du 20 juillet 2020 de la CEDH
oblige l’État belge à agir pour qu’une procédure de recours compatible avec la
Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
puisse être élaborée. L’article 48 de la Constitution belge qui stipule que
« Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les
contestations qui s’élèvent à ce sujet » doit donc être modifié. Dans le
même but, plusieurs juristes et parlementaires qui se sont penchés sur la
question s’accordent pour estimer qu’il serait également opportun d’offrir la
possibilité de modifier l’article 142 qui concerne les compétences du Conseil
constitutionnel car cette institution pourrait devenir l’instance devant
laquelle un recours contre le résultat d’une élection pourrait être introduit.
Conformément à l’article 195 de la Constitution belge, ces deux articles
doivent donc être déclarés révisables par le gouvernement et le Parlement
fédéral actuels pour permettre au Parlement fédéral qui sera issu des
prochaines élections, prévues pour 2024, de modifier enfin la Constitution de
manière à rendre possible une réforme des procédures légales de recours contre les
résultats d’une élection.
Tant que cela n’aura pas été fait et donc lors des prochaines élections, l’État
belge s’expose à d’autres condamnations pour violation des articles 3 et 13 du
premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales.
Il est à noter que, pour ce qui concerne les entités fédérées, ces
modifications de la Constitution ne sont pas indispensables car c’est par une
loi spéciale que la règle figurant dans l’article 48 de la Constitution a été
étendue aux parlements régionaux et par une loi ordinaire qu’elle l’a été au
Parlement de la Communauté germanophone. [11] Les
parlements concernés actuels pourraient donc modifier ces lois avant les
élections de 2024. Il suffirait que la volonté politique de le faire y soit.
[1] T.GAUDIN, "Le contrôle de l’élection
directe", in Administration
publique, revue du droit public et des sciences administratives, octobre 2020 (numéro spécial consacré à la
publication des actes du colloque "Qui contrôle l’élection ?"
tenu à Mons le 26 avril 2019), p.115.
[2] À noter : dans son arrêt du 2 mars 2001
annulant l’élection communale de Jurbise, le Conseil d’État s’inquiétait de la
grande dépendance de l’État aux firmes privées : une vérification de la totalisation n’est pas
possible sans le logiciel d’une firme privée.
[3] Les informations qui suivent proviennent
principalement de "Le vote électronique : l’impossible
contrôle ?", texte d’Anne-Emmanuelle Bourgaux, Professeure à l’École
de droit de l’U-MONS, paru en octobre 2020 dans Administration publique..., op. cit. p. 115.
[4] Il a finalement été établi que le "bug"
concernait les votes d’électeurs qui, en toute légalité, avaient modifié leur
vote avant de le confirmer (A.-E. BOURGAUX, op. cit., p. 141).
[5] Rapport du collège d’experts chargés du contrôle du
système de vote et de dépouillement automatisés. Élections simultanées du 25 mai
2014, 5.12.
[6] Ibid., 5.7.1.
[7] Ibid., 5.5.
[8] Ibid., 5.6.3.
[9] Ibid., 5.8.2.
[10] Ibid, 5.8.4.
[11] T. GAUDIN, op. cit., p. 117.